BJN#186 – Les antibiotiques, c’est pas automatique, même chez les greffés !
Cette BJN est rédigée en rapport avec la référence bibliographique suivante :
Coussement J, Kamar N, Matignon M, Weekers L, Scemla A, Giral M, Racapé J, Alamartine É, Mesnard L, Kianda M, Ghisdal L, Catalano C, Broeders EN, Denis O, Wissing KM, Hazzan M, Abramowicz D; Bacteriuria in Renal Transplantation (BiRT) study group. Antibiotics versus no therapy in kidney transplant recipients with asymptomatic bacteriuria (BiRT): a pragmatic, multicentre, randomized, controlled trial. Clin Microbiol Infect. 2020 Sep 10:S1198-743X(20)30534-6. doi: 10.1016/j.cmi.2020.09.005. Epub ahead of print. PMID: 32919076.
Lien vers l’article : Antibiotics versus no therapy in kidney transplant recipients with asymptomatic bacteriuria (BiRT): a pragmatic, multicentre, randomized, controlled trial
Merci à Betoul SCHVARTZ, Néphrologue à Reims, membre du Comité Scientifique du CJN, pour cette synthèse bibliographique. Vous aussi, n’hésitez pas à nous envoyer vos lectures !
Introduction
Les infections urinaires sont la première cause d’infection chez les patients transplantés rénaux et peuvent affecter la survie du greffon. De nombreux cliniciens effectuent des ECBU systématiques pour la surveillance des patients transplantés rénaux de plus de 2 mois. Les bactériuries asymptomatiques sont traitées par antibiothérapie dans l’optique de réduire la survenue d’infection urinaire symptomatique.
L’objectif de l’étude était de déterminer si le traitement systématique des bactériuries asymptomatiques chez les patients transplantés rénaux de plus de 2 mois modifiait l’incidence des infections urinaires symptomatiques ultérieures.
Patients/matériels et méthodes
Cette étude de supériorité, prospective, multicentrique (7 centres français et 6 centres belges), randomisée, en ouvert a inclus les patients majeurs, transplantés rénaux depuis plus de 2 mois, qui n’avaient pas de matériel (sonde vésicale ou urétérale). La bactériurie asymptomatique était définie par une culture monomicrobienne avec un seuil ≥105 cfu/mL et l’absence de symptomatologie urinaire. La randomisation était stratifiée sur le sexe et l’âge (< ou ≥ 50 ans). Dans le groupe traitement, les patients devaient recevoir 10 jours d’un antibiotique actif in vitro sur la bactérie isolée. Les patients étaient suivis 12 mois (à M1, M2 puis tous les 2 mois) avec des ECBU systématiques, traités d’office dans le groupe traitement. Le critère principal était la survenue d’une infection urinaire pendant le suivi d’un an, défini par des symptômes évocateurs et un ECBU positif (avec un seuil ≥104 cfu/mL).
Résultats
199 patients ont été inclus dans l’étude (100 dans le groupe traitement et 99 dans le groupe abstention). Dans le groupe traitement, les fluoroquinolones ont été le plus utilisées (27%), puis les C2G ou C3G (26%) et l’Amoxicilline (18%). 58 patients (29,1%) des 199 inclus ont développé une infection urinaire pendant la durée de l’étude. Les analyses en intention de traiter et en per-protocol ne retrouvaient pas de différence significative dans la survenue d’infection urinaire dans les 2 groupes (p = 0,49 et 0,36 respectivement). Il n’y avait pas de différence significative dans la survie du greffon, l’incidence de rejet, la survie du patient. Les patients dans le groupe traitement avaient significativement moins de bactériurie asymptomatique lors du suivi mais avaient plus de bactéries résistantes et recevaient en moyenne 5 fois plus d’antibiotiques que le groupe abstention (30 jours de médiane vs 5 jours, p < 0,001).
Conclusion
Le traitement systématique des bactériuries asymptomatiques chez les patients transplantés rénaux depuis plus de 2 mois sans matériel urologique n’apporte aucun intérêt, ni pour la survie du greffon, ni pour éviter les infections urinaires. Par contre, il favorise l’émergence de bactéries résistantes.
Les plus du papier
- Étude randomisée
- Étude multicentrique
- Cohorte importante, suivi de 1 an
- Bonne adhésion au protocole
Les critiques
- Pas de double aveugle
- Pas d’extrapolation pour les 2 premiers mois de greffe ou pur les patients avec du matériel urologique
- Traitement de la bactériurie asymptomatique relativement long (10 jours, dans l’hypothèse d’une pyélonéphrite asymptomatique), ce qui n’est pas le cas dans la pratique courante. De plus, les molécules utilisées sont des molécules de traitement des pyélonéphrites et non des cystites, et elles sont pourvoyeuses de résistance contrairement aux traitements des cystites.