BJN#214 – Invitation pour le « USA cannabis tour », un voyage non sans risque pour le greffon !
Cette BJN est rédigée en rapport avec la référence bibliographique suivante :
Alhamad T, Koraishy FM, Lam NN, Katari S, Naik AS, Schnitzler MA, Xiao H, Axelrod DA, Dharnidharka VR, Randall H, Ouseph R, Segev DL, Brennan DC, Devraj R, Kasiske BL, Lentine KL. Cannabis Dependence or Abuse in Kidney Transplantation: Implications for Posttransplant Outcomes. Transplantation. 2019 Nov;103(11):2373-2382.
Lien vers l’article : Cannabis Dependence or Abuse in Kidney Transplantation: Implications for Posttransplant Outcomes
Merci à Magalie Geneviève, Néphrologue à Périgueux, membre du Comité Scientifique du CJN, pour cette synthèse bibliographique. Vous aussi, n’hésitez pas à nous envoyer vos lectures !
Introduction
La légalisation du cannabis entre en vigueur progressivement ce d’autant plus que le cannabis fait parti de l’arsenal thérapeutique dans plusieurs pathologies. Peu de données de la littérature existent chez le greffé rénal. Il s’agit d’une étude rétrospective s’intéressant aux pronostics du patient, du greffon rénal et les complications associées à l’abus du cannabis chez les greffés rénaux aux USA.
Patients et méthodes
Les données entre 2007 et 2015 du registre américain de greffe d’organe des patients ayant accès à Medicare sont collectées. Le diagnostic de dépendance ou d’abus en cannabis est porté sur les critères de la classification internationale ICD-9-CM. La méthode de Kaplan-Meier est utilisée pour déterminer l’incidence des évènements et une analyse multivariée Cox pour déterminer une association.
Résultats
52 689 greffés rénaux sont inclus dans l’étude. 254 patients ont une consommation abusive de cannabis dans l’année précédent la greffe et 163 patients dans l’année suivant la greffe. Par rapport au groupe témoin, les consommateurs sont en majorité des hommes 80%, jeunes 30% et d’origine afro-américaine 50%. Enfin, 2,5% des consommateurs de cannabis en post-greffe ont une atteinte pulmonaire chronique, 25% une néphropathie diabétique et 39% une ancienneté en dialyse >60 mois.
La consommation de cannabis avant greffe n’est pas associée à une perte du greffon rénal (3,9% vs 3,7%), du décès du patient (2,4%vs 3,4%), ni à la survenue de complications durant la 1ere année post-greffe. Par contre les patients ayant consommé du cannabis en pré-greffe sont plus à risque d’addiction à l’alcool, ou autres drogues,de non compliance, de schizophrenie et de dépression durant la 1ere année de greffe. Ceci est confirmé après analyse multivariée et ajustement.
A 1 an post-greffe, les taux d’échec de greffe censuré par le décès (21,6% vs 6,3%), d’échec de greffe toutes causes (26,8% vs 12,6%), de décès (10,9%vs 7,9%) sont significativement plus élevés chez les consommateurs. De plus, il présente 2 fois plus d’hypotension , 5 fois plus d’hypercapnie et pneumopathie d’inhalation et 2 fois plus de pneumopathies.
56% ont débuté cette consommation après greffe. Le pronostic rénal et du patient ne diffèrent pas si la consommation est débutée après greffe (p>0,05).
Conclusion
La consommation de cannabis est associée à de mauvais résultats en greffe rénale. Une vasoconstriction est évoquée pour expliquer la néphrotoxicité mais ce n’est pas clair. Les récepteurs cannabinoides CB1 et CB2 sont exprimés faiblement au niveau glomérulaire.
Se pose la question de l’accessibilité à la greffe chez les patients consommant du cannabis. Les caractéristiques sociodémographiques des patients consommant du cannabis ne doivent pas être utilisées pour créer des stéréotypes et diminuer l’accessibilité à la greffe mais cela doit inciter à identifier et mettre en place des programmes de prévention et éducatifs.
Cette étude s’intéresse aux patients ayant une consommation abusive et donc les résultats ne peuvent être extrapolés aux patients ayant une utilisation du cannabis à des fins médicaux.
Les plus du papier
C’est la première étude nationale américaine qui évalue le pronostic en greffe rénale des patients consommant du cannabis.
Les critiques
L’étude étant rétrospective, le lien de causalité ne peut être établi. La prévalence des consommateurs de cannabis est plus faible que dans la population générale. Ceci peut être du à un biais de sélection car seuls les patients recevant une greffe et bénéficiant de MEDICARE sont inclus ce qui sous-estime le pourcentage des consommateurs de cannabis pris en charge. De plus, l’étude étant rétrospective, il y a des données manquantes et des perdus de vue. Le diagnostic d’abus de cannabis est clinique et demande donc une attention particulière des soignants. Il n’y a pas de donnée sur la fréquence, la durée, la dose ou l’utilisation du cannabis (récréatif ou médical).