BJN#204 – L’éculi, pour la vie ?
Cette BJN est rédigée en rapport avec la référence bibliographique suivante :
Fakhouri F, Fila M, Hummel A, Ribes D, Sellier-Leclerc AL, Ville S, Pouteil-Noble C, Coindre JP, Le Quintrec M, Rondeau E, Boyer O, Provôt F, Djeddi D, Hanf W, Delmas Y, Louillet F, Lahoche A, Favre G, Châtelet V, Launay EA, Presne C, Zaloszyc A, Caillard S, Bally S, Raimbourg Q, Tricot L, Mousson C, Le Thuaut A, Loirat C, Frémeaux-Bacchi V. Eculizumab discontinuation in children and adults with atypical hemolytic-uremic syndrome: a prospective multicenter study. Blood. 2021 May 6;137(18):2438-2449.
Lien vers l’article : Eculizumab discontinuation in children and adults with atypical hemolytic-uremic syndrome: a prospective multicenter study
Merci à Betoul SCHVARTZ, Néphrologue à Reims, membre du Comité Scientifique du CJN, pour cette synthèse bibliographique. Vous aussi, n’hésitez pas à nous envoyer vos lectures !
Introduction
Le traitement par bloqueur du C5, l’éculizumab, a révolutionné la prise en charge des SHU atypiques (SHUa) en diminuant le risque d’insuffisance rénale (IR) terminale de 60-70% à 10-15%. Ce traitement a néanmoins des inconvénients, tels que le sur-risque infectieux, la nécessité de perfusions à répétition et le cout.
Cette étude est la première étude nationale prospective ouverte multicentrique qui évalue la faisabilité de l’arrêt de l’éculizumab chez les enfants et adultes atteints de SHUa.
Patients/matériels et méthodes
Les enfants ou adultes étaient inclus s’ils présentaient un premier épisode ou une rechute de SHU atypique (défini par au moins 2 critères : une thrombopénie > 150 G/L, une anémie hémolytique mécanique (Hb < 10 g/dL, LDH > normale, hapto indétectable et présence de schizocytes), une IRA (majoration de la créat de > 15% ou protéinurie/créatininurie > normale pour l’âge).
Les autres causes de micro angiopathie thrombotiques devaient être éliminées.
Les patients devaient être traités par éculizumab depuis au moins 6 mois et être en rémission au moment de l’arrêt de l’éculizumab.
Les patients avaient tous, avant leur inclusion, un screening des variants et des réarrangements dans les gènes des facteur H, facteur I, MCP, C3, facteur B, thrombomoduline et Diacyl glycerol kinase epsilon (DGKe)
Les critères d’exclusion étaient l’IRC terminale nécessitant la dialyse, une grossesse prévue ou en cours, l’absence de consentement, les patients sous mesure de protection juridique.
Le critère de jugement primaire était l’absence de rechute durant les 2 ans qui suivaient l’arrêt de l’éculizumab
Résultats
57 patients (19 enfants et 38 adultes) ont été inclus entre octobre 2015 et décembre 2019. 30 patients avaient un diagnostic nouveau de SHUa. 2 patients ont été exclus faute de données de suivi.
Pendant le suivi, 13 patients (23%) ont présenté une rechute de leur SHUa : 6/19 enfants (31%) et 7/36 adultes (19%)/ Il n’y avait pas de différence de risque de rechute entre enfant et adulte. 11 rechutes ont été précédées d’infections le plus souvent virales. Toutes les rechutes sauf une présentaient une IRA et 85% des rechutes présentaient une thrombopénie.
Dans les analyses multi variées, la présence d’un variant rare du gène du complément était associée à un risque accru de rechute (OR 16,20 [1.78;147.73]) ainsi que l’augmentation du niveau plasmatique du complexe soluble C5b-9.
L’éculizumab a été repris dans les 7 jours et 11/13 patients ont récupéré leur fonction rénale antérieure à 3 mois. Les 2 autres patients ont aggravé leur IR pré existante.
La sévérité de l’atteinte du SHUa (dialyse ou manifestation extra rénales), n’est pas associée à un sur risque de rechute après arrêt du traitement.
Conclusion
L’arrêt du traitement par éculizumab est faisable et sure chez les patients avec un SHUa sans variant rare du gène du complément. Le risque de rechute à l’arrêt du traitement est < 5%.
Chez les patients porteur d’un variant rare du gène du complément, le risque de rechute est de 50%. Chez ces patients, un niveau élevé de C5b-9 soluble est indépendamment associé au risque de rechute à l’arrêt du traitement.
L’économie réalisée pendant les 2 ans d’arrêt de traitement est estimée à 32 millions d’euros.
Les plus du papier
- Première étude prospective multicentrique évaluant la faisabilité de l’arrêt de l’éculizumab chez les patients porteurs de SHUa.
- Etude très rigoureuse.
- Analyse économique
Les critiques
- Nombre limité de patient, mais pathologie rare.
- Sous représentation des déficits en facteur H
- Pas de connaissance sur l’impact de la rechute du SHUa sur la fonction rénale à long terme