BJN#251 – Est-ce la fin du valganciclovir en transplantation rénale ?
Merci à Betoul SCHVARTZ, de Reims, membre du conseil scientifique pour ce résumé.
N’hésitez pas, si vous le souhaitez, à nous envoyer vos lectures !
Cette BJN est rédigée en rapport avec cet article :
Letermovir vs valganciclovir for Prophylaxis of Cytomegalovirus in High-Risk Kidney Transplant Recipients. A Randomized Clinical Trial, publié par Limaye et al. dans le JAMA en 2023.
Introduction
Le Cytomégalovirus (CMV) est une cause majeure de morbi-mortalité chez les patients transplantés rénaux (TR). L’infection à CMV est plus fréquente chez les receveurs de transplantation rénale séronégatifs ayant un donneur séropositif (D+/R-). Le traitement prophylactique consensuel est le valganciclovir pendant 6 mois. Néanmoins, ce traitement présente des effets indésirables notables et notamment des neutropénies entrainant des arrêts de traitement.
Le letermovir est un antiviral anti-CMV non myélosuppresseur pouvant être alternative au valganciclovir, mais qui n’est pas actif sur le VZV et le HSV.
L’objectif de cette étude était de comparer le letermovir au valganciclovir chez les transplantés rénaux D+/R- en termes de prévention la maladie à CMV, de réplication du CMV, de résistances aux traitements, et d’incidence des neutropénies.
Matériels et méthodes
Il s’agissait d’une étude de non-infériorité de phase 3, contrôlée, randomisée, en double aveugle et à double placebo. Les patients étaient stratifiés selon l’induction reçue (lympho-déplétante ou pas)
– Les patients du groupe letermovir recevaient 480 mg/j de letermovir, 400 mg x 2/j d’aciclovir et un placebo.
– Les patients du groupe valganciclovir recevaient 900 mg/j de valganciclovir et du placebo pour le Letermovir et l’Aciclovir. Les doses de valganciclovir et d’aciclovir étaient adaptées à la fonction rénale.
La durée du traitement était de 200 jours, la durée du suivi était de 1 an.
Le critère de jugement principal était l’incidence des maladies à CMV à la 52ème semaine. Le critère de jugement secondaire était l’incidence des maladies à CMV à la 28ème semaine et le délai avant la survenue de la maladie à CMV.
Un comité indépendant confirmait le diagnostic de maladie à CMV selon les critères diagnostiques spécifiques.
Résultats
601 patients de 16 pays ont été randomisés entre mai 2018 et avril 2021 avec une analyse complète pour 589 patients.
A 1 an, 10.4% des patients (30/289) dans le groupe letermovir versus 11.8% (35/297) dans le groupe valganciclovir (différence ajustée sur les strates, −1.4% [95% CI, de −6.5% à 3.8%]) ont développé une maladie à CMV.
A 28 semaines, 0 patient sous letermovir versus 5 patients sous valganciclovir ont développé une maladie à CMV confirmée par le comité indépendant (différence ajustée sur les strates, −1.7% [95%CI, de −3.4% à 0.1%]).
Parmi les patients qui avaient une charge virale CMV positive, 0 patients sur 52 qui recevaient le letermovir ont développé une résistance au letermovir et 8 patients sur 66 (12%) qui recevaient le valganciclovir ont développé une résistance au valganciclovir.
A 28 semaines, 2.7% des patients sous letermovir ont développé une neutropénie versus 16.5% sous valganciclovir (−37.9% [95%CI, de −45.1% à −30.3%]; p < .001). 2.7% versus 8.8% des patients sous letermovir et valganciclovir respectivement ont arrêté le traitement pour un effet indésirable lié au traitement.
Conclusion
Le letermovir n’est pas inférieur au valganciclovir concernant la prévention des maladies à CMV, avec moins de résistance au traitement, moins de neutropénie et moins d’arrêt de traitement.
Les plus du papier
- Étude randomisée contrôlée internationale de très bonne qualité
- Répond à un problème courant de pratique clinique (maladie à CMV et neutropénie)
Les critiques
- Pas d’information sur la différence de coût, sur les interactions médicamenteuses.
- Pas d’information sur les potentiels sous dosages en valganciclovir, qui peuvent être source de réplication virale et d’émergence de résistance