BJN#57 Corticothérapie dans la néphropathie à IgA : toujours bénéfique ?
Introduction
De nombreux essais récents remettent en cause l’immunosuppression dans la néphropathie à IgA, ou essaient de trouver des alternatives thérapeutiques. En effet, le niveau de preuve de la corticothérapie reste faible, et les effets indésirables mal connus.
Patients/matériels et méthodes
L’essai TESTING comporte 262 patients (523 screennés), de 100 centres différents (d’Océanie et Asie du Sud Est). Les critères d’inclusions étaient principalement le diagnostic histologique d’une néphropathie à IgA, chez des patients présentant un DFG entre 20 et 120 mL/min/1.73m² et une protéinurie supérieure à 1g/24h. Les patients ayant une indication formelle de corticothérapie (à l’appréciation du médecin investigateur) ou une contre-indication étaient exclus, tout comme ceux ayant reçu une immunosuppression dans l’année précédente. Les 2 groupes de randomisation recevaient un traitement conservateur maximal (bloqueurs du SRA à dose maximale tolérée + contrôle tensionnel), le groupe corticothérapie recevait en plus une corticothérapie de l’ordre de 0.7 mg/kg/j pendant 2 mois, suivi d’une décroissance progressive. Le suivi était de 5 ans.
Le critère de jugement principal était un critère composite associant réduction de moitié du DFG, IRCt et décès secondaire à la maladie rénale. La tolérance de la corticothérapie était également évaluée.
Résultats
La plupart des patients étaient jeunes (âge moyen 38.6 ans), 63% d’entre eux étaient de sexe masculin, avec une proportion importante de patients d’origine asiatique (95%). 87% des patients avaient une fonction rénale modérément à peu altérée (DFG >30 mL/min/1.73m²), la protéinurie moyenne était de l’ordre de 2.4g/24h.
Les inclusions ont dû être interrompues prématurément et l’aveugle levé du fait d’une analyse intermédiaire montrant un risque plus important d’effets indésirables (tableau 1), notamment infectieux dans le groupe corticothérapie (262 patients inclus vs 750 planifiés). L’analyse statistique des patients inclus retrouve une différence significative sur le critère principal en faveur du groupe traitement (figure 1), mais il n’y avait pas de différence significative entre les 2 groupes sur la protéinurie ou le DFG à 36 mois.
Conclusion
La corticothérapie est associée à un risque d’effet indésirable, notamment infectieux, plus important dans la néphropathie à IgA. Il existe un bénéfice potentiel sur le devenir des patients à long terme, mais cet essai ne permet pas de trancher du fait de son interruption prématurée.
Les plus du papiers :
- Enfin un essai randomisé contrôlé dans la néphropathie à IgA
- Une bonne étude des effets indésirable de la corticothérapie (15% des patients de l’étude concernés), qui concorde avec les données retrouvées dans la littérature
Les critiques
Des résultats qui posent plus de questions qu’ils n’apportent de réponses :
- Cet essai est-il extrapolable aux patients d’origine caucasienne ?
- Il semble exister un bénéfice de la corticothérapie sur le devenir rénal, mais pour quels patients ? Ce bénéfice est-il maintenu sur le long terme ?
- Une prophylaxie anti infectieuse est-elle pertinente à l’introduction d’une corticothérapie ?
- Quid du protocole de Locatelli communément utilisé, qui comporte des bolus de corticoides mais des doses de fond plus faibles ?
Merci à Louis de Laforcade (Néphrologue à Bourgoin Jallieu, Comité Scientifique du CJN) pour cette synthèse bibliographique. Vous aussi, n’hésitez pas à nous envoyer vos lectures !