BJN#72 Prophylaxie de la néphropathie au produit de contraste iodé : la fin du débat ?
Outcomes after angiography with sodium bicarbonate and acetylcysteine – Etude PRESERVE
Introduction
L’administration de chlorure de sodium encadrant une injection de produit de contraste iodé (PCI) est largement utilisée pour prévenir la survenue d’une néphropathie au produit de contraste (NPC) chez les patients à risque.
Partant de l’hypothèse que l’alcalinisation des urines pouvait prévenir les lésions tubulaires induites par le PCI, plusieurs études ont comparé bicarbonate vs chlorure de sodium pour prévenir la survenue d’une NPC, avec des résultats contradictoires.
Patients/matériels et méthodes
Cette étude randomisée contrôlée multicentrique en double aveugle, a été menée aux Etats Unis, en Australie, Malaisie et Nouvelle Zélande.
Les patients inclus bénéficiaient d’une angiographie (coronarienne ou non) et avaient un débit de filtration glomérulaire estimé selon la formule MDRD entre 15 et 44.9 mL/min, excepté pour les patients diabétiques (DFG entre 15 et 59.9 mL/min).
La randomisation 2:2 était factorielle en 4 groupes :
- perfusion de bicarbonate de sodium 1.26%, ou de chlorure de sodium 0.9%
- administration de N-Acétylcystéine ou d’un placebo
Le critère de jugement principal était un critère composite comprenant la survenue d’un décès et/ou la nécessité d’une épuration extra-rénale dans les 90 jours suivant l’injection, et/ou une dégradation persistante de la fonction rénale, définie par une créatininémie supérieure à 50% de la créatininémie de base dans les 90 à 104 jours après l’angiographie.
Un critère secondaire était la survenue d’une insuffisance rénale aiguë après l’injection de PCI.
Résultats
5177 patients ont été randomisés, 4993 ont été analysés. Les populations étudiées n’étaient pas différentes, avec une majorité d’hommes (93,5%) et de diabétiques (80.9%). L’âge moyen était de 69.8±8.2 ans. La volémie des patients, évaluée par la mesure de la pression télé-diastolique du ventricule gauche, était similaire entre les groupes.
L’absence d’interaction entre le bicarbonate de sodium et la N-acétylcystéine a été vérifiée (P=0.33).
Il n’y avait pas de différence significative entre les groupes sur le critère de jugement principal, ni sur la survenue d’une insuffisance rénale aiguë associée au produit de contraste. Dans le sous-groupe de patients bénéficiant d’une angiographie non coronarienne, on observe une diminution significative du critère composite chez les patients ayant reçu du chlorure de sodium (OR 3.19, IC 95% [1.03–9.94], P = 0.02) (figure 1).
Aucune différence n’a été objectivée sur la survenue d’effets indésirables cardiologiques (insuffisance cardiaque, arythmie ou évènement coronarien), neurologiques, pulmonaires ni vasculaires.
Conclusion
Chez les patients insuffisants rénaux bénéficiant d’une angiographie, il n’y a pas de bénéfice significatif de l’administration de bicarbonate de sodium ou de N-Acétylcystéine pour prévenir la survenue d’un décès ou d’une insuffisance rénale.
Les plus du papier
Puissance élevée du fait de l’effectif important de patients
Design de l’étude : essai contrôlé, randomisé, en double aveugle et multicentrique
Analyse en intention de traiter
Les critiques
Recrutement dans des centres pour vétérans, donc une grande majorité d’hommes
Pas d’évaluation de la créatininémie entre J5 et J90 après l’angiographie
La double comparaison rend plus difficile la mise en évidence d’une différence significative entre les groupes
Presque 20% des patients n’ont pas suivi le traitement par NAC ou placebo
Merci à Anne-Sophie Garnier, Néphrologue à Angers et membre du Conseil Scientifique du CJN, pour cette synthèse bibliographique. Vous aussi, n’hésitez pas à nous envoyer vos lectures !