BJN#127 – FER IV en HD : Faire ou ne pas Faire ?
Intravenous Iron in Patients Undergoing Maintenance Hemodialysis
Merci à Antoine Braconnier, Néphrologue à Reims et membre du comité scientifique du CJN, pour cette synthèse bibliographique. Vous aussi, n’hésitez pas à nous envoyer vos lectures !
Introduction
La carence martiale est un élément capital dans la prise en charge de l’anémie du patient IRC et tout particulièrement chez l’hémodialysé.
Cette carence est multifactorielle : majoration des pertes (saignement occultes sous AVK, perte en HD de 1 à 2g/an du fait des prélèvements biologiques et de défaut de restitution), besoin en fer augmenté du fait de l’utilisation d’EPO, inflammation chronique qui stimule la production d’hepcidine (qui limite l’absorption intestinale de fer et favorise le stockage macrophagique via son action sur la ferroportine).
Pour juguler cette carence, l’apport de fer IV est privilégié car plus efficace (physiopathologie de la malabsorption dans l’IRC, interférence avec les IPP ou les anti H2).
Néanmoins des doutes existent quant à l’utilisation sans risque du fer IV (infection bactérienne, majoration de la mortalité cardiovasculaire, hémosidérose, anaphylaxie…) faisant peser le rapport risque/bénéfice (Efficacité, diminution du besoin en EPO et en transfusions…) de cet élément.
Des études observationnelles ou des cohortes de petite envergure, reprisent en méta-analyse, ont été utilisé sans jamais pourvoir réellement trancher sur le sujet.
Cet essai, PIVOTAL, se propose d’étudier l’efficacité et la sécurité d’utilisation du fer IV en hémodialyse.
Matériel/méthodes
Il s’agit d’un essai prospectif, randomisé, en ouvert et multicentrique au Royaume-Uni. Il a été réalisé entre novembre 2013 et juin 2018. Il s’agit d’un essai académique pour lequel les auteurs précisent que la société savante promotrice reçoit, entre autre, des fonds d’industriels commercialisant ce médicament.
Les patients sont répartis en deux groupes : un groupe « proactif » ou « haute dose » (objectif ferritine 200-700µg/L, CST 20-40% avec une injection de fer systématique si ferritine ≤ 700) et un groupe « réactif » ou « faible dose » (objectif ferritine > 200µg/L, CST ≥ 20%).
L’objectif primaire était l’étude d’un critère composite associant le premier épisode d’IDM ou d’AVC non fatal, la première hospitalisation pour Insuffisance cardiaque et le décès toutes causes.
Les critères secondaires étaient des critères d’efficacité (tous événements confondus, besoin en EPO et en transfusion, qualité de vie des patients) et de sécurité (thrombose de FAV, infection, …).
L’analyse était faite en intention de traiter, la non infériorité étant testée.
Résultats
2141 malades (1093 dans le groupe « proactif », 1048 dans le groupe « réactif ») était randomisés avec un suivi moyen de 2 ans.
Les groupes étaient équivalents (ancienneté de dialyse, type d’abord vasculaire, diabète, tabac, inflammation, néphropathie causale). Il existait une différence significative, mais non relevante cliniquement, du taux d’hémoglobine. A noter une différence significative (p = 0.009) de l’utilisation d’IEC et/ou d’ARA II à la défaveur du groupe « réactif ».
La dose moyenne utilisée dans le groupe haute dose était de 264mg/mois [200-336] vs 145mg/mois [100-190] dans le groupe faible dose. Le groupe haute dose n’atteignait pas les objectifs de ferritine (< 700µg/L) et le groupe faible dose non plus (<200µg/L, c’est-à-dire inférieur aux recommandations). L’efficacité en terme d’hémoglobine était identique mais avec un objectif atteint plus vite dans le groupe haute dose.
Concernant l’objectif primaire la non infériorité était obtenue.
Concernant la consommation en EPO, les auteurs concluaient à une diminution des besoins en EPO dans le groupe haute dose. A noter que ce dernier point était discutable car, au-delà de la non infériorité testée, le groupe faible dose, après recalcul, avait un index de résistance (IRE) à l’EPO qui augmentait pendant le suivi par rapport la baseline (stabilité attendue) pendant que l’IRE dans le groupe haute dose baissait (résultat attendu). (Rôle des IEC/ARA II ?, objectif de ferritine minimale non atteinte dans ce groupe ?). Les marqueurs de dénutrition et de carence vitaminique étaient absents.
Le sous-groupe insuffisance cardiaque semble bénéficier plus que les autres d’un apport en fer important.
Aucun risque de thrombose de FAV ou d’infection n’a pu être mis en évidence.
Conclusion
Administrer du FER IV « haute dose » n’est pas plus à risque cardiovasculaire ou infectieux
L’effet bénéfique sur le groupe « insuffisance cardiaque » reste à confirmer par une étude dédiée.
L’effet sur la consommation en EPO, bien qu’attendue, reste sujet à caution dans cette étude du fait du comportement du groupe « faible dose » pendant l’étude.
L’utilisation d’une dose de Fer IV > 336mg/mois par mois pourrait être un signal pour préciser le mécanisme de la carence martiale et pourquoi pas rechercher un saignement occulte.
Les + du papier
Question pratique, utile au quotidien
Essai important répondant à la question posée
Les – du papier
La discussion autour de la consommation d’EPO. Biais et manque d’information
La critique : La mise en avant de la consommation d’EPO dans ce papier alors que pas l’objectif principal dans cet essai de non infériorité.