BJN#93 – Plus de bicar, moins de dialyse ?
Sodium bicarbonate therapy for patients with severe metabolic acidaemia in the intensive care unit (BICAR-ICU): a multicenter, open-label, randomised controlled, phase 3 trial
Merci à Lucile Figueres, Néphrologue à Nantes et membre du conseil scientifique du CJN, pour cette synthèse bibliographique. Vous aussi, n’hésitez pas à nous envoyer vos lectures !
Introduction
L’acidose métabolique est fréquente en cas de défaillance d’organe. Dans ces cas, la perfusion de bicarbonate, bien que largement pratiquée, reste d’efficacité débattue. L’objectif de cette étude randomisée a été d’évaluer l’effet d’une correction de l’acidose métabolique par l’administration de bicarbonate intraveineux.
Patients/matériels et méthodes
389 patients de plusieurs centres de réanimation/soins intensifs français et avec acidose métabolique profonde ont été inclus. Celle ci a été définie par un pH plasmatique inférieur ou égal à 7,20, avec bicarbonatémie inférieure ou égale à 20 mM. Les patients étaient inclus et randomisés en cas d’hyperlactatémie et/ou de score SOFA ≥ 4 (Sequential Organ Failure Assessment reposant sur des critères ventilatoires, neurologiques, rénaux, cardiovasculaires ainsi que sur le taux de plaquettes et la bilirubinémie). Les patients avec IRC de stade IV ou V préexistante, et les patients avec épuration extrarénale préalable à l’inclusion ont été exclus. Les patients inclus dans le groupe bicarbonate ont reçu du bicarbonate 4,2 % à un volume permettant l’obtention d’un pH artériel ≥ 7,30 pendant 28 jours ou jusqu’à la sortie de soins intensifs. Les patients ont été ventilés et/ou hémodialysés selon des critères préalablement définis (hyperkaliémie menaçante, oedeme aigu du poumon, anurie, acidémie). L’objectif principal a été d’évaluer le risque de décès toute cause confondue à 28 jours de la randomisation. Les analyses ont été réalisées en intention de traiter.
Résultats
Le volume total administré aux patients ne différait pas entre les groupes. Il n’y avait pas de différence significative entre les deux groupes dans la survie à 28 jours ou la défaillance d’organe persistante au 7ème jour. Le recours à la dialyse était significativement plus élevé dans le groupe contrôle (Figure 1), de même que le recours aux amines.
Les troubles ioniques (dyskaliémie, alcalose métabolique, hypocalcémie, hypernatrémie) étaient plus fréquents dans le groupe bicarbonates, sans complication sévère. Il n’y avait pas de différence concernant la survenue d’infection ou la durée du séjour en soins intensifs.
Conclusion
Ce papier indique qu’en cas d’acidose métabolique aigue avec pH ≤ 7,20 en milieu de soins intensifs ou de réanimation, la perfusion de bicarbonate de sodium à la phase aigue n’est pas associée à une diminution de la mortalité à 28 jours ou à la présence d’une défaillance d’organe persistante au 7ème jour. L’administration précoce de bicarbonate est en revanche associée à une diminution significative du besoin d’épuration extrarénale et du recours aux amines.
Les plus du papier
– Etude randomisée, multicentrique de grand effectif et sur la population française
Les critiques
– Essai en ouvert mais analyse des variables par du personnel indépendant
– Pas de données de sous groupes en fonction du mécanisme/type de l’acidose métabolique
– Pas de recommandation sur le type de solution à administrer dans le groupe contrôle (24 % ont reçu du bicarbonate à petits volumes)
– L’acidémie est un des critères de décision d’initiation d’une dialyse
– Bicarbonate 4,2% utilisé, imposant une voie centrale