BJN #28 : Quoi de neuf en 2016 ?
Pour ce nouvel opus de la BJN, un petit tour des études marquantes en 2016 coté Néphro Clinique, réalisé à partir de la Nature Review Nephrology.
- Rituximab et glomérulonéphrite extra membraneuse primitive : GEMRITUX study
Dans cet essai clinique ouvert, 75 patients avec une GEM primitive et sous traitement médical conservateur maximal, ont été randomisés pour recevoir du rituximab (375mg/m2 J1 et J8) ou un placebo. Il n’est pas montré de différence significative entre les deux groupes sur le critère d’évaluation primaire (rémission partielle ou complète de la protéinurie) à 6 mois (35% versus 21% respectivement dans le groupe rituximab et placebo). Le pourcentage de diminution des anticorps anti PLA2R à 6 mois est significativement plus important dans le groupe rituximab (50% versus 12%). Après 17 mois de suivi, le taux de rémission est significativement plus important dans le groupe rituximab (64,9% versus 34,2%). La discussion concerne à la fois le faible taux de réponse dans le groupe rituximab à 6 mois par rapport à d’autres études et le taux élevé de rémission spontanée dans le groupe placebo. D’une part, la non-réponse au rituximab peut être la conséquence d’un sous dosage initial et un suivi du titre des anticorps peut permettre la sélection de patients nécessitant une dose plus importante. D’autre part, il est important d’avoir des marqueurs pronostiques plus fiables pour identifier les patients à risque de progression.
- Bénéfice de l’immunosuppression dans la néphropathie à dépôts mésangiaux d’IgA primitive : STOP-IgA trial
Dans cet essai clinique ouvert, 80 patients avec une NPIgA primitive, une fonction rénale stable et une protéinurie persistante (>0,75-3,5g/j) en dépit de 6 mois de traitement médical conservateur maximal bien conduit, ont été inclus. Ils ont été randomisés pour recevoir un traitement conservateur seul (cible tensionnelle <125/75mmHg, règles diététiques et traitement hypolipémiant) ou associé à un traitement immunosuppresseur (corticothérapie si DFGe >60ml/min/1,73m2 ou corticothérapie + cyclophosphamide ou azathioprine si DFGe<60 ml/min/1,73m2). Le taux de rémission complète de la protéinurie est significativement plus important dans le groupe traitement immunosuppresseur (17% versus 5%) de même que la disparition de l’hématurie (42% versus 16%). Il n’est pas montré de différence sur la variation du DFGe entre les 2 groupes (diminution >15ml/min/1,73m2 entre la valeur initiale et celle à 36mois). L’efficacité d’un traitement médical conservateur bien conduit est à nouveau mis en lumière (3/4 des patients ont atteint la cible tensionnelle et un débit de protéinurie <1g/jour durant la phase de randomisation dans les 2 groupes). L’adjonction d’un traitement immunosuppresseur semble efficace pour réduire l’inflammation et reste une option thérapeutique pour les patients nécessitant une prise en charge plus aggressive. La lente évolution de la maladie (variation de DFGe de 1,6ml/min/1,73m2/an) peut en partie expliquer l’absence de traduction en terme de survie rénale.
- Progression de la néphropathie diabétique : nouvelles armes thérapeutiques du contrôle glycémiques : EMPA-REG, LEADER et SUSTAIN study
L’empaglifozine est un inhibiteur du SGLT2 (co-transporteur tubulaire sodium/glucose) qui a montré une réduction du risque cardiovasculaire chez les patients avec un diabète de type II et un DFGe >30ml/min/1,73m2. Moins de patients ont développé ou aggravé une néphropathie diabétique (définie par l’apparition d’une macroalbuminurie, d’un doublement de la créatininémie, de la survenue d’une maladie rénale chronique terminale ou d’une décès dû à la maladie rénale) dans le groupe traité par rapport au groupe placebo (12,7% versus 18,8%). Les patients du groupe empaglifozine ont une réduction de 44% du risque de doublement de la créatininémie. Le taux d’infection du tractus urinaire était plus élevé, le taux d’insuffisance rénale aigue et d’hyperkaliémie moins élevés dans le groupe traité. Les études de sécurité cardiovasculaire de deux analogues du GLP1 (liraglutide et semaglutide) ont montré des éléments en faveur d’une amélioration du pronostic rénale essentiellement par une moindre progression vers la macroalbuminurie. Un mécanisme d’action est la diminution de l’hyperfiltration glomérulaire par la moindre réabsorption du sodium au niveau tubulaire proximal. Ces données tendent à motiver leur utilisation chez les patients diabétiques de type II et avec une MRC de stade I à III (non validés pour des DFGe <30ml/min/1,73m2) même si l’empaglifozine n’est pour le moment pas disponible en France. D’autres études sont nécessaires pour évaluer la combinaison de ces deux classes thérapeutiques.
- Contrôle tensionnel dans la maladie rénale chronique : étude SPRINT
L’obtention d’une cible tensionnelle adéquate est une des pierres angulaires du traitement conservateur de la MRC. Les recommandations varient entre un objectif <140/90mmHg pour la plupart des patients et <130/80mmHg en cas de protéinurie. Dans cet essai contrôlé multicentrique, plus de 9000 patients >50 ans, avec PAS >130mmHg et à risque cardiovasculaire (dont 30% avec une MRC) ont été randomisés entre une cible de PAS <120mmHg et une cible standard <140mmHg. L’étude a été prématurément interrompue, les analyses intermédiaires montrant une réduction de 25% du risque d’événement cardiovasculaire et de 27% de la mortalité dans le groupe intensif. Il n’est pas retrouvé de différence entre les deux groupes concernant le critère rénal composite (déclin DFGe >50% ou survenue MRC terminale) mais une survenue plus fréquente d’IRA dans le groupe intensif. Une meta-analyse de près de 45000 patients inclus dans les essais cliniques randomisés comparant ces deux stratégies de contrôle tensionnel a évalué non seulement le pronostic cardiovasculaire mais aussi l’impact pronostique rénal (8). Le contrôle tensionnel intensif est associé à une réduction du risque d’évènement cardiovasculaire majeur de 14% et d’aggravation de l’albuminurie de 10%. Il n’est pas retrouvé de différence significative sur la survenue d’une IRCT et une augmentation non significative de 8% du risque d’événement cardiovasculaire chez les patients avec une MRC (8 essais, 8700 patients). Il reste donc nécessaire de considérer la balance bénéfice/risque entre un strict contrôle tensionnel et la survenue d’effets indésirables liés à l’intensification thérapeutique pour aller vers une prise en charge personnalisée catégorielle selon le profil patient.
Merci à Julie Beaume (Secrétaire générale du CJN, Néphrologue à l’HIA Toulon) pour cette synthèse bibliographique. Vous aussi, n’hésitez pas à nous envoyer vos lectures !