BJN : La Biblio des Jeunes Néphrologues #16
Le Club des Jeunes Néphrologues vous propose, chaque semaine, un article ancien ou récent à lire et faire lire. N’hésitez pas à nous faire également partager vos lectures.
Cet article explore du point de vue de la dialyse le problème de l’exposition au bisphénol A (BPA). Il est rappelé que le BPA est un perturbateur endocrinien qui altère la stéroïdogénèse et favorise la survenue du syndrome métabolique et de complications cardiovasculaires. Le BPA se comporte aussi comme une toxine urémique et s’accumule en cas d’insuffisance rénale. En dialyse, le BPA est principalement apporté par le dialyseur et plus particulièrement les coques en polycarbonate et les membranes en polysulfone. Dans cette étude, les auteurs comparent 2 types de dialyseurs à haut flux, le premier est exempt de BPA (Elisio® à base de polynephron) tandis que le second en contient (FX80 à base de polysulfone).
Les auteurs ont comparé dans une étude prospective en cross-over 69 patients sur une durée de 6 mois, divisée en 2 périodes de 3 mois. Les patients ont gardé le même dialyseur pendant les 3 premiers mois de l’étude (41 sous polynephron et 28 sous polysulfone) avant le switch pour les 3 derniers mois de l’étude. Ils ont aussi approfondi et complété la compréhension des mécanismes grâce à l’utilisation d’un modèle de culture cellulaire de PBMC (peripheral Blood Mononuclear Cells).
En comparaison de sujets sains, chez les patients dialysés la concentration en BPA est 35 fois plus élevée dans leur sérum et 12 fois plus dans les PBMC isolées à partir de leur sang. Le temps d’une séance, La concentration en BPA augmente dans le sérum des patients traités par polysulfone tandis qu’il existe une diminution non significative pour les patients traités par polynephron. Au long cours, la concentration en BPA chez les patients traités par polysulfone augmente de manière non significative dans le sérum et significative dans les PBMC, tandis que lors de l’exposition au polynephron les concentrations sériques et dans les PBMC diminuent significativement (figures 3 et 4). Les auteurs mettent en évidence de plusieurs manières (dialysat effluent, membrane dans du surnageant de culture cellulaire) que seule la polysulfone relargue du BPA.
Les auteurs établissent un lien de causalité entre l’exposition à la polysulfone, le relarguage de BPA et l’activation des voies du stress oxydatif et de l’inflammation, aussi bien en culture cellulaire que pour des patients dialysés. Ainsi l’exposition de PBMC à la polysulfone va induire l’expression de gènes du stress oxydatif (Nrf-2, HO-1 et Prx-1) et la production de protéines inflammatoires (IL-6 et TNF-α) (Figures supplémentaires 3 et 4). Ces données se confirment pour les patients exposés à ces 2 membranes ; seule la polysulfone induit une augmentation de la CRP et de l’IL-6 circulante.
Cet article établit ainsi un lien clair entre la nature des membranes de dialyse, le relarguage de BPA et l’activation des voies de l’inflammation et du stress oxydant. Les conséquences cliniques devront être étudiées afin de confirmer ou de pondérer ces données inquiétantes. Dans l’immédiat, ce papier nous pousse à nous interroger sur les choix des dialyseurs dans nos centres de dialyse.