BJN spéciale SFT juniors #5: greffer les non-greffables, le daratumumab chez les hyperimmunisés?
En 2024, la SFT juniors a pu proposer des bourses pour que des jeunes médecins et scientifiques impliqués en transplantation d’organe puissent aller présenter leurs travaux à l’ESOT 2024 à Athènes.
En collaboration avec la SFT juniors, les récipiendaires de ces bourses vous proposent cette semaine une série de résumés de communications auxquelles ils ont pu assister à l’ESOT. N’hésitez pas à vous informer sur la SFT juniors!
Le daratumumab, un anti-CD38, permet de cibler les cellules sécrétrices d’anticorps non ciblées par les thérapies anti-CD20.
Deux études consacrées au daratumumab sont rapportées ici par Eve Calvar, de Caen.
Désimmunisation au Daratumumab avant greffe rénale : étude pilote.
Cette présentation a été faite par Marie Matignon, de Créteil.
Contexte
En France, environ 10% des patients des patients en attente d’une greffe rénale sont hyperimmunisés. Des protocoles de désimmunisation ont été proposés ces dernières années, mais le taux de rejet à 1 an reste élevé.
Méthode
Il s’agit d’une étude monocentrique en ouvert qui a inclus 19 patients en attente d’une greffe rénale depuis plus de 3 ans avec un cPRA > 95%. Cette étude s’est déroulée en 2 étapes : 1ère étape de sûreté et 2ème étape de désimmunisation par Daratumumab, un anticorps humanisé anti-CD38 qui n’a encore jamais été utilisé en greffe rénale. Le critère de jugement principal combiné était la sécurité et le cPRA à 6 mois.
Résultats
La première étape a inclus 9 patients traités par 4 injections hebdomadaires de Daratumumab à la posologie croissante de 4 à 16 mg/kg. Aucun effet indésirable sévère lié au traitement n’a été observé. Les effets indésirables étaient principalement liés à l’injection du traitement. La deuxième étape de désimmunisation a inclus 13 patients traités par 8 injections de Daratumumab à la posologie de 16 mg/kg/sem et suivis pendant 1 an. A M6, le nombre d’Ac anti-HLA de classe I et II diminuait de façon significative (61 [45-81] à 50 [34-67] (P<0.001), tout comme le cPRA pour les MFI > 10.000 (62 [38-84] vs. 74 [57-84], p=0,02). Le cPRA restait stable pour les MFI > 2000 (97 [93-99] vs. 99 [95-100]; p=0.28).
La décroissance du taux d’anticorps observée était transitoire, l’effet maximal était atteint à M3 puis il existait un rebond à M6 avec un retour des anticorps à leur valeur initiale pré-traitement à M12.
L’analyse des cellules immunitaires circulantes a montré une diminution des plasmocytes, des cellules NK et des LT CD8 mémoire à M1, puis un ascension à partir de M3 avec retour aux valeurs basales à M6.
Conclusion
La désimmunisation par Daratumumab diminue le cPRA et le nombre d’Ac anti-HLA dans les 3 mois qui suivent les injections, sans entraîner d’effet indésirable significatif.
Perspectives
Des études seront nécessaires pour observer la réponse sur les cellules immunitaires à plus long terme et la survenue de rejet aigu humoral suite à une transplantation rénale après désimmunisation par Daratumumab.
La deuxième communication est la suivante: premiers résultats d’ATTAIN (ITN090ST) : désimmunisation par Daratumumab et Belatacept chez les patients en attente de greffe rénale avec 100% de cPRA. Cette présentation était faite par Flavio Vincenti – San Francisco, USA.
Contexte
L’hyperimmunisation est une barrière à la greffe rénale. Les stratégies de désimmunisation actuelles sont inefficaces en raison du rebond des Ac anti-HLA. Il a été montré chez les PNH (primate non-humain) qu’un blocage de la co-stimulation associé à la déplétion plasmocytaire empêche le rebond des anticorps.
Méthode
Il s’agit d’une étude pilote de phase I/II visant à étudier l’effet de l’association du Daratumumab (déplétion des plasmocytes) et du Bélatacept (inhibiteur de la costimulation) pour désensibiliser les patients hyperimmunisés en attente de greffe.
A partir des données de l’UNOS, l’étude a inclus les patients dialysés de 18 à 65 ans avec un TGI > 99,9% en attente d’un donneur décédé ou avec un TGI > 98% en attente d’un donneur décédé depuis plus de 5 ans ou d’un donneur vivant HLA-incompatible depuis plus d’1 an.
Le critère de jugement principal composite était l’élimination d’au moins 1 anticorps anti-HLA, la réduction d’au moins 50% de la MFI d’au moins 3 anticorps anti-HLA ou une transplantation rénale à partir d’un donneur précédemment incompatible.
Résultats
Cinq patients ont été inclus dans l’étude et ont reçu l’assocation Daratumumab + Bélatacept. Le traitement a été bien toléré sans survenue d’effet indésirable significatif.
Tous les patients ont présenté une réduction > 50% de la MFI d’au moins 3 anticorps anti-HLA et une déplétion médullaire en plasmocytes de plus de 50% avec diminution des plasmocytes à courte durée de vie mais maintien des cellules plasmocytaires à longue durée de vie.
Un patient a été greffé à partir d’un donneur décédé jusqu’alors incompatible et ne présente pas de rejet ni d’Ac anti-HLA à 7 mois de la greffe.
Conclusion
Le Daratumumab et le Bélatacept pourraient permettre une désimmunisation efficace des patients hyperimmunisés en attente d’une transplantation rénale en déplétant les cellules plasmocytaires médullaires et sanguines.