BJN#138 – Les patients pris en charge par les néphrologues sont-ils les plus complexes?
Comparison of the Complexity of Patients Seen by Different Medical Subspecialists in a Universal Health Care System
Merci à Thibault Dolley-Hitze, Néphrologue à Saint-Malo et membre du Comité Scientifique du CJN, pour cette synthèse bibliographique. Vous aussi, n’hésitez pas à nous envoyer vos lectures !
Introduction
Nous avons tous eu l’impression que les patients pris en charge en néphrologie étaient plus compliqués que dans d’autres spécialités du fait de leur polypathologie mais il n’existe pas de données pour le confirmer. Cette étude de registre va apporter des éléments objectifs en comparant la complexité de la prise en charge dans différentes spécialités.
Patients/matériels et méthodes
Il s’agit d’une étude de cohorte basée sur les données de santé fournie par le système d’assurance maladie de l’état d’Alberta au Canada. Tous les résidents de cet état ont été inclus dans l’étude entre le 1er avril 2014 et le 1 mars 2015. Les comorbidités ont été colligées selon les déclarations des médecins. Seules les spécialités médicales ont été concernées à l’exclusion de la gériatrie et de l’oncologie dont le système de rémunération est différent des autres spécialités. 9 marqueurs de complexité ont été répertoriés, 7 dans l’année qui a précédée l’étude (nombre de comorbidités, nombre de médicaments prescrits, état psychologique (dont dépendance à l’alcool, dépression, schizophrénie), nombre de médecins consultés, nombre total de spécialistes impliqués dans la prise en charge des patients, nombre de jours d’hospitalisation et nombre de passage aux urgences. Les 2 derniers marqueurs ont été analysés pendant l’année de l’étude : placement dans un établissement de long séjour et décès quel qu’en soit la cause.
Résultats
2 597 127 personnes ont été incluses dans l’étude. Les patients vus par les néphrologues étaient les plus complexes avec le plus grand nombre de marqueurs de comorbidités (4,2), le plus grand nombre de médicaments prescrits (14.2), le risque de décès le plus élevé et la fréquence la plus élevée de placement en long séjour. Les patients suivis par les néphrologues, les infectiologues et les neurologues étaient les plus complexes contrairement à ceux suivis par les endocrinologues, les allergologues/immunologistes et par les dermatologues.
Conclusion
Il existe bel et bien des différences dans la complexité des prises en charge selon les spécialités et la néphrologie arrive en tête du palmarès.
Les plus du papier
Etude de cohorte exhaustive sur un territoire de plus de 2 millions de personnes prises en compte
Méthodologie claire et bien détaillée
Rendre objectif un ressenti quotidien de notre profession
Les critiques
Les auteurs sont néphrologues, il y a donc un conflit d’intérêt dans les résultats
Les données de comorbités sont déclaratives et donc incomplètes
La sévérité des comorbidités n’est pas décrite
La population étudiée est canadienne et ne peut donc prétendre refléter celle d’autres pays dont les pratiques médicales peuvent être différentes
La mortalité et la durée d’hospitalisation ont été considérés comme marqueur de complexité, ne s’agissait-il pas plutôt des conséquences de la complexité ?
De nombreuses données pouvant influencer les résultats sont manquantes : niveau social, langue parlée, revenus, déficience sensorielle,…