BJN#170 – Baisse du DFG après introduction des traitements antihypertenseurs ? C’est pas grave !
Cet article du BJN est rédigé en rapport avec les références bibliographiques suivantes :
Heerspink HJL, Stefánsson BV, Correa-Rotter R, Chertow GM, Greene T, Hou FF, Mann JFE, McMurray JJV, Lindberg M, Rossing P, Sjöström CD, Toto RD, Langkilde AM, Wheeler DC; DAPA-CKD Trial Committees and Investigators. Dapagliflozin in Patients with Chronic Kidney Disease. N Engl J Med. 2020 Oct 8;383(15):1436-1446. doi: 10.1056/NEJMoa2024816. Epub 2020 Sep 24. PMID: 32970396.
Merci à Aurélien Lorthioir, Néphrologue à Paris, membre du Comité Scientifique du CJN, pour cette synthèse bibliographique. Vous aussi, n’hésitez pas à nous envoyer vos lectures !
Introduction
La baisse de la pression artérielle (PA) peut induire une diminution du DFG estimé (DFGe), mais on ne sait pas quelle amplitude de diminution du DFGe est acceptable au regard du bénéfice apporté par la baisse tensionnelle. Ce travail est une analyse post-hoc de 2 grands essais contrôlés randomisés ayant comparés les effets d’un traitement standard versus traitement intensif de l’HTA (ACCORD-BP et SPRINT).
Patients/matériels et méthodes
Les auteurs ont analysé la relation entre la baisse initiale de la PA moyenne (PAM) et le DFGe. Puis les patients ont été stratifiés selon la cible tensionnelle et la diminution initiale de DFGe et l’effet sur le DFGe, au-delà de la première année, a été analysé. Au total, 13 266 patients ont été inclus, totalisant 41126 mesures de DFGe, pour un suivi moyen de 3,2 ans.
Résultats
En moyenne, sur les valeurs initiales (mesurées à 3 et 4 mois), lorsque la baisse de PA n’excède pas 10 mmHg, le DFGe ne change pas. Au-delà, pour chaque baisse supplémentaire de 10 mmHg de PAM, le DFGe diminue de 3,4% (Figure 1, ligne bleue). Ainsi, la diminution du DFGe la plus extrême varie de -26% pour une baisse de PAM de 0 mmHg, jusqu’à -46% pour une baisse de PAM de 40 mmHg, chez 95% des patients (Figure 1, ligne orange).
Les patients ont ensuite été repartis en 3 sous-groupes selon la diminution initiale du DFGe : < 5%, entre 5 et 20% ou > 20%. Au cours du suivi, la diminution du DFGe suit la même pente dans tous les sous-groupes, quelle que soit la diminution initiale du DFGe et la cible tensionnelle (p=0,37).
Conclusion
Suite à l’introduction de traitements antihypertenseurs, une diminution du DFGe comprise entre 26 et 46% peut être considérée comme normale et non délétère, au regard d’une baisse de PAM de 10 à 40 mmHg. Cette diminution initiale du DFGe, aussi profonde soit-elle, n’est pas un facteur de dégradation ultérieur de la fonction rénale avec un suivi moyen de 3,2 ans. Le contrôle de la PA et de la micro-albuminurie permet de limiter la progression de la maladie rénale chronique et de diminuer les évènements CV : les traitements antihypertenseurs doivent donc être maintenus même en cas de forte baisse du DFG (jusqu’à 46%) s’ils permettent de mieux contrôler la PA et la micro-albuminurie
Les plus du papier
- Question très importante car situation rencontrée fréquemment en pratique
- Analyses de données issues de 2 grandes études de bonne qualité
Les critiques
- Pas d’analyse précise sur le type de traitement reçu
- Le déclin du DFGe est estimé en pourcentage du DFGe initial si bien que les plus fortes baisses du DFGe peuvent correspondre en fait à des patients ayant initialement des DFGe élevés (hyperfiltration) : il serait intéressant de savoir si en valeur absolue on trouve les mêmes résultats