BJN#171 – Quand NELL1 est l’incarnation du malin
Cet article du BJN est rédigé en rapport avec les références bibliographiques suivantes :
Caza T, Hassen S, Dvanajscak Z, Kuperman M, Edmondson R, Herzog C, Storey A, Arthur J, Cossey LN, Sharma S, Kenan D, Larsen C. NELL1 is a target antigen in malignancy-associated membranous nephropathy. Kidney Int. 2020 Aug 20:S0085-2538(20)30956-X. doi: 10.1016/j.kint.2020.07.039. Epub ahead of print. PMID: 32828756.
Lien vers l’article : NELL1 is a target antigen in malignancy-associated membranous nephropathy
Merci à Valentin Maisons, Néphrologue à Tours, membre du Comité Scientifique du CJN, pour cette synthèse bibliographique. Vous aussi, n’hésitez pas à nous envoyer vos lectures !
Introduction
Cela se passe l’an dernier au congrès de la SFNDT de Nancy, à l’époque où le COVID n’avait pas encore frappé. Le Pr. Pierre RONCO avait fait sa présentation sur la glomérulonéphrite extra membraneuse et l’existence d’un nouvel antigène d’intérêt : NELL1 (Nerve epidermal growth factor-like 1). Celui-ci se rajoutait alors à ceux déjà connus : PLA2R, THSD7a, EXT1/2… J’avais été captivé, très intéressé par ces nouveautés en la matière. Depuis une nouvelle étude épidémiologique nous apporte des réponses aux questions soulevées…
Patients/matériels et méthodes
Il s’agissait d’une cohorte historique de 409 patients sur 9 mois avec un diagnostic de GEM dans la région de l’Arkansas, afin de recueillir des données épidémiologiques sur les GEM NELL1+. Parmi cette cohorte, 349 avait une possibilité de marquage antigénique NELL1 sur tissu résiduel rénal. Une seconde vague d’analyse était ensuite effectuée sur les 5 dernières années pour avoir une puissance suffisante à la mise en valeur d’associations.
Résultats
- Finalement, dans le pool initial il s’agissait de 6 biopsies NELL1+ (1,7%), soit 3,8% des GEM PLA2R- et TSHD7a-.
- Sur l’analyse complémentaire des biopsies des 5 dernières années, c’était finalement 91 patients GEM NELL1+ qui étaient mis en évidence.
- 33% des patients NELL1+ avaient une néoplasie active ce qui était bien supérieur aux autres anticorps. Les types de tumeurs étaient très variés, et il était impossible de dégager un type en particulier.
- Le tissu tumoral était disponible pour seulement 2 patients, et il existait une positivité du marquage NELL1 sur celle-ci.
- Sur l’analyse des sous classes on mettait en évidence d’avantage d’IgG1 (100%) que d’IgG4 (22%). De plus la répartition en IF des IgG était inhabituelle : globale incomplète ou segmentaire. Tout ceci plaidait en faveur d’une cause secondaire.
- 28 échantillons sanguins étaient disponibles, et 71.4% montraient une réactivité pour l’anticorps NELL1.
- Autre point intéressant : NELL1 a été identifié comme gène d’intérêt dans la maladie de Crohn, et il y avait 2 NELL1 positifs parmi les 8 patients GEM+ Crohn+ dans leur base de données. L’association n’est pas claire mais à garder en ligne de mire.
Conclusion
Finalement toutes ces données américaines plaident en faveur d’une possible association aux étiologies tumorales. L’anticorps anti-NELL1 est détectable dans le sang pour une majorité des patients. La physiopathologie reste à l’heure actuelle non élucidée, mais elle soulève des interrogations.
Les plus du papier
- Grande cohorte américaine, surtout aux vues de l’épidémiologie de la pathologie.
- Données importantes pour formuler des recommandations sur le dépistage néoplasique dans le cadre des GEM, hétérogène selon les pays.
- Avancées dans la formulation d’hypothèses physiopathologiques.
- Mise en lumière de la partie anticorps avec toutes les implications pour la recherche : corrélation à la protéinurie ? intérêt dans le cadre du suivi ?…
Les critiques
- Le peu d’information sur la cohorte globale sur 5 ans.
- Données de suivi très partielles, pouvant ainsi sous-estimer la prévalence des pathologies néoplasiques.
- Parfois les séquences temporelles incertaines “néoplasies – GEM” peuvent entraîner des biais importants.