BJN#179 – L’hydrochlorotiazide augmente le risque de cancers cutanés
Cet article du BJN est rédigé en rapport avec les références bibliographiques suivantes :
Letellier T, Leborgne F, Kerleau C, Gaultier A, Dantal J, Ville S; Divat Consortium. Association between Use of Hydrochlorothiazide and Risk of Keratinocyte Cancers in Kidney Transplant Recipients. Clin J Am Soc Nephrol. 2020 Nov 10:CJN.02560220. doi: 10.2215/CJN.02560220. Epub ahead of print. PMID: 33172936.
Lien vers l’article : Association between Use of Hydrochlorothiazide and Risk of Keratinocyte Cancers in Kidney Transplant Recipients
Merci à Aurélien Lorthioir, Néphrologue à Paris, membre du Comité Scientifique du CJN, pour cette synthèse bibliographique. Vous aussi, n’hésitez pas à nous envoyer vos lectures !
Introduction
Les carcinomes cutanés, qui comprennent principalement les carcinomes épidermoïdes (spinocellulaires) et les carcinomes basocellulaires, représentent un risque potentiel pour les patients transplantés d’organes en raison, entre autres, du traitement immunosuppresseur. Ainsi les patients bénéficient d’un suivi dermatologique régulier (en général consultation annuelle de dermatologie). L’hydrochlorothiazide (HCTZ), un diurétique largement utilisé pour traiter l’hypertension, a été impliqué dans une réaction de photosensibilité cutanée. Des études récentes menées dans la population générale ont montré que l’utilisation d’HCTZ est associée à un risque plus élevé de carcinomes cutanés, en particulier de carcinomes épidermoïdes. Les groupes à haut risque, cependant, y compris les patients transplantés ont été exclus de ces études. L’objectif de ce travail est d’étudier si l’utilisation d’HCTZ est associée aux carcinomes cutanés chez les patients transplantés.
Patients/matériels et méthodes
Il s’agit d’une étude monocentrique (Nantes) étudiant une cohorte de patients ayant eu une transplantation rénale (n = 2155), rein-pancréas (n = 282) et pancréas (n = 59). Les données sont issues de la cohorte « Données Informatisées VAlidées Transplantation (DIVAT) » qui inclue tous les patients transplantés entre 2000 et 2017 à Nantes. Les auteurs ont évalué l’association entre l’exposition à l’HCTZ et les carcinomes cutanés. Des modèles de Cox multivariables spécifiques à la cause et variant dans le temps ont été utilisés pour estimer la relation entre l’exposition à l’HCTZ et le risque de carcinome épidermoïde et de carcinome basocellulaire, l’HCTZ étant désigné comme variable dépendante du temps.
Résultats
Parmi les participants, 279 sur 2496 (11%) ont été exposés à l’HCTZ après la transplantation. Les taux d’incidence cumulés de carcinomes cutanées à 10 et 15 ans étaient de 7% et 9% pour les carcinomes épidermoïdes, respectivement, et de 8% et 11% pour les carcinomes basocellulaires, respectivement. L’analyse montre une une relation entre l’exposition à l’HCTZ et le risque de carcinomes épidermoïdes (HR, 2,04; intervalle de confiance à 95%, 1,27 à 3,28). En revanche, l’analyse ne met pas en évidence d’association significative entre l’exposition à l’HCTZ et les carcinomes basocellulaires (HR, 0,63; intervalle de confiance à 95%, 0,35 à 1,15).
Conclusion
Dans cette cohorte monocentrique Nantaise de patients transplantés du rein, rein-pancréas, pancréas seul, l’exposition à l’HCTZ a été associée à un risque deux fois plus élevé de carcinome épidermoïde mais pas à un risque plus élevé de carcinome basocellulaire.
Les plus du papier
- Cohorte de grande qualité avec un suivi médical régulier
- Impact important de cette information
Les critiques
- Pas de données précises sur l’utilisation d’HCTZ en pré-transplantation
- Cohorte constituée de patients caucasiens donc pas de possibilités de conclure selon différents sous-groupes de phototypes
- Les patients sous inhibiteurs de mTOR ont été exclus de l’analyse : il aurait été intéressant d’avoir quand même des données sur eux