BJN#188 – De la colchicine pour les coronariens : une (fausse) bonne idée ?
Cette BJN est rédigée en rapport avec la référence bibliographique suivante :
Nidorf SM, Fiolet ATL, Mosterd A, Eikelboom JW, Schut A, Opstal TSJ, The SHK, Xu XF, Ireland MA, Lenderink T, Latchem D, Hoogslag P, Jerzewski A, Nierop P, Whelan A, Hendriks R, Swart H, Schaap J, Kuijper AFM, van Hessen MWJ, Saklani P, Tan I, Thompson AG, Morton A, Judkins C, Bax WA, Dirksen M, Alings M, Hankey GJ, Budgeon CA, Tijssen JGP, Cornel JH, Thompson PL; LoDoCo2 Trial Investigators. Colchicine in Patients with Chronic Coronary Disease. N Engl J Med. 2020 Nov 5;383(19):1838-1847. doi: 10.1056/NEJMoa2021372. Epub 2020 Aug 31. PMID: 32865380.
Lien vers l’article : Colchicine in Patients with Chronic Coronary Disease
Merci à Aurélien LORTHIOIR, Néphrologue à Paris, membre du Comité Scientifique du CJN, pour cette synthèse bibliographique. Vous aussi, n’hésitez pas à nous envoyer vos lectures !
Introduction
Malgré la prise en charge des facteurs de risque cardiovasculaires (CV) traditionnels (tabagisme, dyslipidémie, HTA, etc.), les patients coronariens restent à haut risque d’évènement CV. Il est démontré que l’inflammation joue un rôle, et l’utilisation d’anti-inflammatoires est une piste envisagée afin de réduire le risque CV des patients. Un essai récent (COLCOT), a montré que la prise de colchicine à faible dose (0.5 mg par jour) réduisait le risque d’événements CV chez les patients ayant récemment fait un infarctus du myocarde (IDM), mais les preuves d’un tel bénéfice chez les patients atteints de maladie coronarienne chronique sont limitées.
Patients/matériels et méthodes
Il s’agit d’un essai randomisé, contrôlé en double aveugle, dans lequel les patients atteints de maladie coronarienne chronique ont reçu 0,5 mg de colchicine par jour ou un placebo (essai LoDoCo2 réalisé en Australie et aux Pays-Bas). Les patients (35 à 82 ans) avaient une maladie coronarienne chronique confirmée par coronarographie ou coroscanner ou score calcique corsaire > 400 agatston. Ils devaient être dans une situation stable depuis au moins 6 mois et avoir un DFG > 50 mL/min. Le critère d’évaluation principal était un critère composite de décès CV, d’IDM spontané, d’AVC ischémique ou de revascularisation coronarienne. Le critère d’évaluation secondaire était un composite de décès CV, d’IDM ou d’AVC ischémique. Avant randomisation, tous les patients inclus recevaient pendant 1 mois, en ouvert, 0.5 mg de colchicine afin de déterminer si la tolérance était bonne.
Résultats
Au total, 6528 patients ont été inclus, mais après un mois de colchicine, 1006 patients n’ont pas été randomisées, principalement en raison d’intolérance à la colchicine. Ainsi, 5522 patients ont été randomisés : 2762 dans le groupe colchicine et 2760 dans le groupe placebo. La durée médiane de suivi était de 28,6 mois. Un événement du critère d’évaluation principal est survenu chez 187 patients (6,8%) dans le groupe colchicine et chez 264 patients (9,6%) dans le groupe placebo (HR, 0,69; p <0,001). Un événement du critère d’évaluation secondaire est survenu chez 115 patients (4,2%) dans le groupe colchicine et 157 patients (5,7%) dans le groupe placebo (HR, 0,72; p = 0,007). La mortalité toute cause n’était pas différente entre les 2 groupes : 73 décès dans le groupe colchicine versus 60 décès dans le groupe placebo mais l’incidence des décès non CV était plus élevée dans le groupe colchicine que dans le groupe placebo (incidence, 0,7 vs 0,5 événement pour 100 personnes-années; HR, 1,51; IC à 95%, 0,99 à 2,31).
Conclusion
Dans cet essai randomisé impliquant des patients atteints de maladie coronarienne chronique, le risque d’événements CV était significativement plus faible chez ceux qui ont reçu quotidiennement 0,5 mg de colchicine que chez ceux qui ont reçu un placebo. Cependant il n’y avait pas de différence en termes de mortalité toute cause, et même une surmortalité, à la limite de la significativité, en termes de mortalité non CV dans le groupe colchicine.
Les plus du papier
- Etude de bonne qualité méthodologique avec effectifs suffisant
Les critiques
- L’absence de différence en terme de mortalité et surtout la surmortalité non CV constatée dans le groupe colchicine doit alerter même si le nombre d’évènement est faible et à la limite de la significativité
- L’étude a exclus les patients ayant un DFG < 50 mL/min ce qui représente une proportion non négligeable des patients coronariens. Néanmoins chez ces patients avec DFG > 50 mL/min la faible dose quotidienne de colchicine ne semble pas entrainer d’effets rénaux délétères.
- La phase de run-in avec 1 mois de colchicine en aveugle a abouti à l’arrêt du traitement chez près d’un patient sur 6 ce qui est considérable