BJN#200 – Hyper Oxalurie Primaire, l’illumination !
Cette BJN est rédigée en rapport avec la référence bibliographique suivante :
Garrelfs SF, Frishberg Y, Hulton SA, Koren MJ, O’Riordan WD, Cochat P, Deschênes G, Shasha-Lavsky H, Saland JM, Van’t Hoff WG, Fuster DG, Magen D, Moochhala SH, Schalk G, Simkova E, Groothoff JW, Sas DJ, Meliambro KA, Lu J, Sweetser MT, Garg PP, Vaishnaw AK, Gansner JM, McGregor TL, Lieske JC; ILLUMINATE-A Collaborators. Lumasiran, an RNAi Therapeutic for Primary Hyperoxaluria Type 1. N Engl J Med. 2021 Apr 1;384(13):1216-1226.
Lien vers l’article : Lumasiran, an RNAi therapeutic for Primary HyperOxaluria Type 1
Merci à Anne-Hélène Querard, Néphrologue à la Roche-sur-Yon, membre du Comité Scientifique du CJN, pour cette synthèse bibliographique. Vous aussi, n’hésitez pas à nous envoyer vos lectures !
Introduction
L’HyperOxalurie Primaire de type 1 est une maladie génétique rare mais grave, responsable de lithiases rénales présentes dès l’enfance, et à terme responsable d’insuffisance rénale terminale, qui se complique de dépôts systémiques d’oxalate extrêmement dangereux.
L’enzyme déficiente est hépatique, l’Alanine-Glyoxylate aminoTransferase ou AGT, conduisant à une oxydation du glyoxylate non plus en glycine via l’AGT mais en oxalate via une autre enzyme, la Glyoxalate Oxydase GO. En résulte une hyperoxalémie et donc une hyperoxalurie, délétère pour les reins.
Les traitements actuels sont très limités : hyperhydratation, inhibiteurs de la cristallisation type citrate, Pyridoxine, greffe hépatique ou foie-rein combinée au stade d’insuffisance rénale terminale.
Le lumasiran est un agent thérapeutique qui inhibe l’ARNmessager de la GO, limitant ainsi la production hépatique d’oxalate.
Patients/matériels et méthodes
Entre Janvier et Mai 2019, étude multinationale, randomisée en 2:1, en double aveugle, contre placebo. Patients avec une HOP type 1 prouvée génétiquement, âgés de minimum 6 ans, avec au moins 30mL/min de clairance, et une oxalurie > 0.7 mmol/24h/1.73 m2, sans argument pour une oxalose systémique.
Les patients traités recevaient le Lumasiran par voie SC à 3 mg/kg une fois par mois pour 3 doses, puis une dose tous les 3 mois. Idem pour le placebo.
Objectif principal : modification de l’oxalurie entre la baseline et M6.
Objectifs secondaires : multiples, dont les modifications de l’oxalémie, la créatinine, le nombre d’événements lithiasiques, le grade de néphrocalcinose…
Résultats
26 patients Lumasiran, 13 patients placebo, une seule sortie d’étude (Lumasiran) pour incapacité à suivre le protocole. Age median 14 ans (6-60), oxalurie moyenne 1.82 mmol/24h/1.73m2, 56% de patients traités par Pyridoxine, 49% de patients IRC stade 2, 18% IRC stade 3a, 85% d’antécédent de lithiase, 54% de nephrocalcinose.
Objectif principal : différence de réduction de l’oxalurie entre M0 et M6 entre les groupes Lumasiran et placebo de 53.5% (IC95% [- 62.3 ; -44.8]), 65.4% de réduction dans le groupe Lumasiran, 11.8% dans le groupe Placebo.
Objectifs secondaires : réduction de l’oxalurie en valeur absolue de 0.98 mmol/24h/1.73m2 (IC95% [-1.18 ; – 0.77], 84% de patients qui n’ont plus une oxalurie supérieure à 1.5 fois la normale dans le groupe Lumasiran vs 0 dans le groupe placebo, baisse plus importante de l’oxalémie dans le groupe Lumasiran, amélioration du grade de néphrocalcinose dans le groupe Lumasiran, diminution du nombre d’événements lithiasiques. Un patient a développé des anticorps anti-Lumasiran à faible titre à 6 mois, sans effet clinique évident.
Effets secondaires nombreux : 85% dans le groupe Lumasiran, 69% dans le groupe placebo, aucun grave, un seul arrêt de traitement pour fatigue et troubles de l’attention. Sont essentiellement rapportés des réactions au site d’injection, pas de perturbations biologiques notamment hépatiques ou rénaux.
Conclusion
Le Lumasiran permet une diminution rapide et durable de l’oxalurie, sans effet secondaire majeur.
Les plus du papier
- Médicament innovateur dans un domaine où il n’y avait rien jusque-là. Efficacité prouvée sur la réduction de l’oxalurie, facteur connu de dégradation de la fonction rénale et des conséquences systémiques ensuite.
- Etude très propre d’un point de vue méthodologique.
Les critiques
- Quid des enfants de moins de 6 ans et des patients avec une IRC stade 4et plus ? (en fait c’est déjà en cours d’exploration : études ILLUMINATE B et C)
- On attend avec impatience les résultats à plus long terme, notamment avec l’impact sur la fonction rénale et la mise en dialyse.