BJN#233 – AVC et insuffisance rénale chronique : méfiance après la thrombolyse !
Merci à Mickaël Bobot, néphrologue à Marseille, pour cette synthèse bibliographique en lien avec l’article suivant:
Intravenous thrombolysis in patients with chronic kidney disease: A systematic review and meta-analysis, Malhotra et al. publié dans Neurology.
Introduction
La maladie rénale chronique (MRC) est un facteur de risque majeur de survenue d’un AVC ischémique, il s’agit de la troisième cause de décès chez les patients insuffisants rénaux chroniques terminaux (Toyoda K et al. Lancet Neurology 2014).
La thrombolyse intraveineuse par rt-PA est un des traitements de référence de l’AVC ischémique lorsqu’elle peut être réalisée dans les délais impartis. Elle est recommandée jusqu’à 4h30 après l’apparition des premiers symptômes d’infarctus cérébral et doit être effectuée le plus précocement possible (cf. Recommandations HAS 2010 : https://www.has-sante.fr/jcms/c_830203/fr/accident-vasculaire-cerebral-prise-en-charge-precoce-alerte-phase-prehospitaliere-phase-hospitaliere-initiale-indications-de-la-thrombolyse). Son effet secondaire les plus redouté est le saignement intracrânien.
L’efficacité et la tolérance dans la thrombolyse sont incertains au cours de la MRC. En effet, la MRC augmente à la fois le risque de saignement et de thrombose, elle est souvent un critère d’exclusion des études s’intéressant à la thrombolyse, les études neurovasculaires s’y intéressant spécifiquement sont peu nombreuses. Enfin, les données à propos de l’efficacité et la tolérance de ce traitement sont discordants (Agrawal V et al., NDT 2010 / Lyrer PA et al., Neurology 2008). C’est l’objet de cette méta-analyse.
Patients et méthodes
- Méta-analyse de 20 études (dont 15 observationnelles rétrospectives)
- Patients adultes ayant présenté un AVC traité par thrombolyse IV, avec données de fonction rénale, d’efficacité et de tolérance de la thrombolyse disponibles
- 60 486 participants au total répartis sur l’Asie, l’Europe et l’Amérique du Nord.
Résultats
La MRC était associée au risque de saignement intracrânien selon les définitions NINDS (OR : 1,41), ECASS II (OR : 1,37), ou toute définition (OR : 1,42).
A 3 mois, la MRC était associée au risque de mortalité (OR 2,20), et à de bons pronostics fonctionnel (OR : 0.58), et d’indépendance fonctionnelle (OR : 0,57).
Après ajustement sur les facteurs de confusion potentiels, la MRC restait associée au risque de saignement intracrânien selon les définitions NINDS (ORaj : 1,34), ECASS II (ORaj : 2,08), ou toute définition (ORaj : 1,41), à la mortalité hospitalière (ORaj : 1,19) et à un moins bon pronostic fonctionnel à 3 mois (ORaj : 0,80).
Conclusion :
Chez les patients ayant eu un AVC traité par thrombolyse intra-veineuse des MRC dès le stade III est associée à un risque accru d’hémorragie cérébrale et reste associée à un moins bon pronostic fonctionnel.
Les résultats de cette méta-analyse mettent en évidence l’impact négatif de la MRC sur le pronostic des AVC traités par un des traitements de référence et le risque de saignement et faire bien peser le rapport bénéfice-risque et justifier d’une surveillance post-procédure accrue, mais ne doivent pas être interprétés comme une contre -indication à la thrombolyse chez les patients MRC.
Les plus du papier
- Très importante méta-analyse sur le sujet de grand effectif
- Message important sur le risque hémorragique cérébral post-AVC chez les patients insuffisants rénaux, à particulièrement surveiller
Les critiques
- Données provenant d’études majoritairement rétrospectives
- Qu’est-il advenu des patients IRC n’ayant pas reçu de thrombolyse ?
- Pas d’information sur les patients ayant bénéficié d’une thrombectomie mécanique associée à la thrombolyse