BJN#236 – Vascularite à ANCA : le retour des échanges ?!
Merci à Romain Arrestier, de Créteil, membre du conseil scientifique pour ce résumé.
N’hésitez pas, si vous le souhaitez, à nous envoyer vos lectures !
Cette BJN est rédigée en rapport avec cet article :
Introduction
Dans les vascularites à ANCA, les échanges plasmatiques (EP) ont été largement utilisés jusqu’à la publication de l’étude PEXIVAS en 2020 dans le New England Journal of Medicine qui a remis en cause leur utilisation en ne retrouvant pas de bénéfice sur la mortalité et la survie rénale à 12 mois.
Aucune des études de grande ampleur ne s’est intéressé aux caractéristiques histologiques des patients traités par échange plasmatique.
L’objectif de cette étude est d’analyser l’effet des échanges plasmatiques en fonction de l’atteinte histologique initiale des patients avec une insuffisance rénale aiguë (IRA) associée à une vascularite à ANCA pour essayer d’identifier ceux qui pourraient bénéficier de ce traitement.
Matériels et méthodes
Il s’agit d’une étude rétrospective menée dans 31 centres français. Les patients avec une IRA secondaire à une vascularite à ANCA (polyangéite microscopique, granulomatose avec polyangéite, ou vascularite avec atteinte rénale isolée) et avec une biopsie réalisée dans le mois suivant l’introduction d’un traitement d’induction ont été inclus.
La classification de Berden (atteinte focale, en croissant, mixte, scléreuse) et le score de Brix (groupe à faible risque, à risque intermédiaire, à risque élevé en fonction du pourcentage de glomérules normaux et de l’atteinte tubulo-interstitielle) ont été utilisé pour classer les biopsies rénales.
Le critère principal de jugement était la mortalité ou la dépendance à la dialyse à 12 mois.
L’effet des EP a été évalué après ajustement des patients par un score de propension et réalisation d’un modèle de prédiction de l’effet basé sur des variables prédéfinies (âge, genre, caractéristiques de la vascularite, créatinine, DFG, classification histologique, type de traitements immunosuppresseurs d’induction).
Résultats
425 patients ont été inclus entre mai 2004 et novembre 2019 dont 188 traités par EP et 237 contrôles. Avant tout ajustement, le groupe de patients EP présentait une sévérité plus importante que le groupe sans EP avec une créatinine médiane à 513 (372-685)µmol/L contre 310 (189-423) µmol/L, une proportion plus importante d’anti-PR3 (42% contre 25%), la présence d’une forme à croissant dans 39% des cas contre 19% et un score de Brix à 7 (3-9) contre 5 (0-9). La survie patient et la survie rénale à 12 mois étaient plus faibles dans le groupe EP (72% contre 82%).
Après ajustement par le score de propension les EP n’étaient pas associés au critère principal de jugement.
L’utilisation du modèle de prédiction a permis de séparer les patients en deux groupes en fonction de l’effet prédit des EP. 177 patients avaient une amélioration prédite du pronostic vital et rénal à 12 mois d’au moins 5% (groupe EP-recommandé) par rapport aux autres patients dont l’effet des EP était nul ou < 5% (groupe EP-non recommandé). La différence de risque pour la mortalité et la survie rénale à 12 mois était de -15.9% IC95%, -29.4% à -2.5% et de -4.8% IC95%, -14.9% à 5.3% respectivement.
Les variables cliniques associées au groupe EP-recommandé étaient : un diagnostic de polyangéite microscopique, la présence d’ANCA anti-MPO, une créatinine plus élevée, la nécessité de dialyse, l’utilisation de cyclophosphamide et la nécessité d’une ventilation mécanique invasive. Concernant l’histologie, la présence d’une forme à croissant ou scléreuse selon Berden et un score de Brix plus élevé étaient associés au groupe EP-recommandé.
En utilisant ces variables, deux scores pour prédire l’efficacité des EP ont été établi. Les EP permettraient une diminution absolue du risque de mortalité et de perte de fonction rénale à 12 mois de 24.6% si le score sans histologie est supérieur ou égal à 2 (Se = 71.2% et Sp = 90.7%) et si le score avec histologie est supérieur ou égal à 7 (Se = 83.1% et Sp = 96%) (cf figure).
Conclusion
En conclusion, en accord avec les études précédentes, les EP ne sont pas associés à meilleur pronostic lorsqu’on analyse leur effet sur l’ensemble de la cohorte des vascularites à ANCA. L’utilisation d’un score de prédiction de l’effet des EP intégrant des caractéristiques cliniques et histologiques pourrait par contre permettre d’identifier les patients chez qui les EP pourraient avoir un intérêt et ceux chez qui ils n’en ont pas.
Les plus du papier
Il s’agit d’une large cohorte avec des données histologiques bien détaillées. La méthodologie statistique (simplifiée dans ce résumé) est solide avec des multiples méthodes d’ajustement et de validation des modèles permettant d’avoir des conclusions robustes malgré le caractère rétrospectif. Les auteurs se sont attachés à rendre les conclusions de l’étude applicable au lit du patient en développant 2 scores simples.
Cette étude remet en cause la pratique de certains centres de ne pas biopsier les patients avec une atteinte clinique compatible et des ANCA positifs et remet au centre de la discussion l’histologie rénale dans les vascularites à ANCA, non pas à visée diagnostic mais pronostic.
Les critiques
Il s’agit ici d’une étude rétrospective. Les scores présentés par les auteurs nécessitent des études prospectives pour validation avant de les appliquer en pratique courante.
Les biopsies n’ont pas été analysées de manière centralisées ce qui peut induire un biais de classement.
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