BJN#239: Suivre les femmes enceintes transplantées : quels facteurs de risque de complications materno-fœtales ?
Merci à Delphine Haussaire, néphrologue à Dax et membre du conseil scientifique pour ce résumé.
Cette BJN est rédigée en rapport avec cet article : A nationwide Dutch cohort study shows relatively good pregnancy outcomes after kidney transplantation and finds risk factors for adverse outcomes, de Gosselink et al. publié dans Kidney International en Octobre 2022.
Introduction :
La première grossesse chez une patiente transplantée rénale menée à terme a été rapportée en 1958. Depuis, le nombre de grossesse chez les femmes transplantées ne cesse de progresser.
Cette étude néérlandaise proposait d’analyser les résultats materno-fœtaux lors des grossesses chez les femmes transplantées, en fonction de leur DFG estimé en CKD-EPI pré-conceptionnel.
Méthode :
Les auteurs ont mené une étude rétrospective, analysant les grossesses de plus de 20 semaines d’aménorrhée chez les femmes transplantées colligées entre 1971 et 2017 dans les 8 centres universitaires néerlandais.
Les données recueillies rétrospectivement comprenaient entre autre : l’âge maternel, l’histoire rénale maternelle, traitements, créatininémie pré conceptionnelle avec calcul du DFG en CKD EPI, pression artérielle moyenne (PAM) pré-conceptionnelle, l’histoire obstéricale de la grossesse, DFG au 2ème et 3ème trimestre, et les données néonatales : terme, score d’apgar, poids de naissance.
Le critère de jugement principal était un critère composite regroupant les complications materno-fœtales suivantes : HTA sévère (>160mmHg et/ou PAD < 110mmHg) au troisième trimestre,augmentation de >15% de la créatininémie au troisième trimestre/ créatininémie preconceptionnelle, poids de naissance <2500 grammes, et prématurité soit un âge gestationnel <37 semaines d’aménorrhées ( SA).
Résultats :
Entre 1971 et 2017, 301 grossesses de plus de 20 SA ont été répertoriées, dont 288 grossesses uniques incluses dans l’analyse.
Résultats néonataux
Le taux de naissances vivantes était de 93%, et le taux de mortalité néonatales (<7 jours de vie) était de 3%, le taux de prématurité atteignait 50%, et l’âge gestationnel moyen était de 35.6 SA. Le poids de naissance moyen était de 2385g, avec un poids de naissance <2500g dans 49% des grossesses, et 14% des nouveaux nés ont été admis en néonatalogie.
Chez les patientes avec un DFG pré-conceptionnel <30ml/min/1.73m2, la mortalité néonatale atteignait 22%
Résultats maternels
26% des grossesses se compliquaient d’HTA, et 34 % de préeclampsies, le DFG moyen pré-conceptionnel était de 61ml/min/ 1.73m2, 48% des accouchements l’ont été par césarienne.
Les résultats materno-fœtaux ne différaient pas significativement entre les différentes périodes, notamment pas avant et après 1990 avec l’avènement des inhibiteurs de la calcineurine.
Facteurs de risque de complication materno-fœtales :
Le DFG pré-conceptionnel plus bas était corrélé de façon indépendante à la survenue du critère composite de complications materno-fœtales, ainsi qu’une moindre différence entre la pression artérielle moyenne et le taux de créatininémie entre la période préconceptionnelle et les mesures effectuées au second trimestre de grossesse.
Après un suivi de 7.9 ans après la grossesse, le risque de perte du greffon, une fois ajusté sur le DFG pré-conceptionnel, n’était pas augmenté.
Discussion :
Il s’agit de la première grande étude de cohorte analysant les résultats materno-fœtaux des grossesses chez les femmes transplantées, en fonction de DFG pré-conceptionnel, incluant notamment des patientes avec moins de 30ml/min de DFG.
La moindre différence entre la PAM et la créatininémie entre la période pré-conceptionnelle et le 2nd trimestre, associé à un surrisque de survenue de ces complications, reflètent une moindre adaptation du greffon à la grossesse.
Ce qu’apporte cet article :
Les facteurs de risque identifiés permettront de mieux adapter le suivi de ces grossesses à risque et d’informer au mieux les patientes.
Limites :
Etude néérlandaise, dont les résultats ne peuvent être strictement extrapolés à la population française, comprenant des résultats sur période très étendue, avec depuis de nombreux changement de pratique, avec notamment moins de grossesses dans les premières décennies.
Les grossesses de <20SA n’ont pas été comptées, du fait du manque de données, il faudrait avoir ces chiffres pour estimer le nombre de grossesses menées à terme chez les femmes transplantées, et voir si d’autres facteurs de risque entre en jeu (traitement notamment).