BJN#247 – Ça gratte en dialyse
Merci à Antoine Lanot, néphrologue à Caen et membre du conseil scientifique, de nous résumer son étude Moderate-to-severe pruritus in untreated or non-responsive hemodialysis patients: results of the French prospective multicenter observational study Pruripreva publiée dans le Clinical Kidney Journal en Février 2023.
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Introduction
Le prurit associé à la maladie rénale chronique (Pa-MRC) anciennement appelé prurit urémique, est un symptôme décrit chez les patients atteint de MRC dès le stade IV mais aussi au cours du traitement par dialyse, voire parfois après transplantation rénale. Il a été décrit dans les enquêtes internationales DOPPS que ce symptôme était fréquent mais néanmoins sous-estimé par les soignants, et sous-reporté par les patients.
Nous avons réalisé une enquête observationnelle afin de déterminer la prévalence du Pa-MRC chez les patients traités par hémodialyse en France.
Patients/matériels et méthodes
Il s’agissait d’une enquête prospective observationnelle multicentrique menée au sein de centres d’hémodialyse (Centres lourd, UDM, auto-dialyse, centres hospitaliers, associatifs ou privés). Un dépistage systématique de l’existence d’un prurit était réalisé chez les patients majeurs hémodialysés 3 fois par semaine ou plus depuis au moins 3 mois. Chez tous les patients, le score numérique d’évaluation de l’intensité d’un prurit Worst Itching Numerical Rate Scaling (WI-NRS) était évalué quotidiennement durant 7 jours. Les caractéristiques clinico-biologiques des patients atteints de prurit modéré à très sévère (WI-NRS ≥ 4) étaient relevées et des éléments attenant à la qualité de vie ont été évalués chez tous les patients.
Résultats
1304 patients traités par hémodialyse au sein de 35 centres de Métropole et d’Outre-Mer ont été inclus. La répartition des centres était : 70% de centres lourds, 19,8% d’unités de dialyse médicalisées, et 10,2% d’auto-dialyses.
Parmi l’ensemble des patients, 306 (23,5%) étaient atteint de prurit modéré à très sévère. Le prurit était diffus, localisé de manière prédominante au niveau du tronc, du scalp et de la racine des membres de manière symétrique. Parmi les 306 patients ayant un score WI-NRS ≥ 4, le symptôme n’avait jamais été évoqué avant le dépistage systématique de l’étude chez 37,6% des patients. En conséquence, seuls 56,4% de ces patients atteints de prurit modéré à très sévère avaient pu bénéficier de prescription médicamenteuse pour traiter ce symptôme. Les traitements prescrits étaient des émollients (39,9%), des antihistaminiques (21,1%), des corticoïdes (6,6%), et des gabapentinoïdes (6,6%).
Le score de qualité de vie 5-D itch était augmenté de manière significative avec l’intensité du prurit : 13,7 pour le prurit modéré, 15,6 pour le prurit sévère et 18,8 pour le prurit très sévère. Les cinq dimensions de ce score étaient significativement plus altérées chez les patients atteints de prurit modéré à très sévère en comparaisons avec ceux ayant un prurit léger ou pas de prurit : durée quotidienne, sommeil, loisirs et relations sociales, activités de la vie quotidienne, travail ou école (p < 0,01). Les scores SF-12 physiques et psychologiques ainsi que le score composite global étaient tous significativement altérés chez les patients avec WI-NRS ≥ 4 par rapport à ceux avec un WI-NRS < 4.
Conclusion
Dans la population des patients traités par hémodialyse en France, un Pa-MRC modéré à très sévère touche près d’un patient sur quatre. Un dépistage systématique permet de révéler le symptôme chez plus d’un tiers des patients atteints. L’intensité du Pa-MRC est associé de manière constante à une altération de la qualité de vie et de ses différents domaines évalués par plusieurs scores.
Les plus du papier
Il s’agit d’une étude nationale de grande ampleur pour une étude en hémodialyse. Les données sont évaluées de manière systématique au moyen de scores validés permettant une estimation fiable de la prévalence et de l’impact du Pa-MRC sur la qualité de vie, ce qui est un élément important pour ce symptôme subjectif.
Les critiques
Absence de comparaison des paramètres cliniques, biologiques, ou de dialyse entre les patients avec ou sans prurit, car seuls les patients avec WI-NRS ≥ 4 bénéficiaient d’un recueil exhaustif de ces paramètres.
L’étude était sponsorisée par CSL Vifor, laboratoire qui commercialise la difelikefaline, nouveau traitement pour le Pa-MRC chez les patients traités par hémodialyse.
Lien d’intérêt
Antoine Lanot déclare avoir reçu des honoraires de consultant de la part de CSL Vifor pour sa participation à un board sur le prurit associé à la MRC et la difelikefaline.