BJN#248 – MAT « secondaires » au premier plan
Merci à @valentinmaisons, de Tours, membre du conseil scientifique pour ce résumé.
N’hésitez pas, si vous le souhaitez, à nous envoyer vos lectures !
Cette BJN est rédigée en rapport avec cet article :
Epidemiology, Outcomes, and Complement Gene Variants in Secondary Thrombotic Microangiopathies, publié par Alexis Werion et al. dans le CJASN en 2023
Introduction
La littérature scientifique sur les microangiopathies thrombotiques (MAT) se concentre principalement sur les Syndromes Hémolytiques et Urémiques (SHUa) ou sur les Purpura Thrombotiques Thrombocytopéniques (PTT) parfois appelés « MAT primitives ». C’est un paradoxe car lorsque l’on s’affranchit au maximum des biais de sélection, les études ont montré que dans la masse des MAT, la partie dite « primitive » est minoritaire.
De plus en plus d’études s’intéressent aux MAT dites secondaires. Elles représentent un enjeu majeur en termes de santé publique, d’autant qu’elles peuvent concerner un grand spectre de spécialités médicales. Cette étude se propose de se focaliser sur ces dernières.
Matériels et méthodes
Il s’agit d’une étude rétrospective recrutant des patients ayant eu un épisode de MAT entre 2009 et 2019, dans 2 centres d’expertise Belges (Louvain et Bruxelles). Toutes les MAT étaient inclues puis une classification étiologique rigoureuse était effectuée.
Une analyse épidémiologique descriptive s’en suivait, ainsi qu’une analyse de survie.
Résultats
Sur 704 615 patients screenés, 336 (0.05%) présentaient un premier épisode de MAT.
Les SHU atypiques concernaient 15% de ces patients, les PTT 9% et les SHU typiques 21%.
Les SHU secondaires concernaient 56% des malades, dont 56% liées à une greffe de moelle osseusse, 23% à une transplantation d’organe solide et 13% à une hypertension artérielle maligne. La distribution entre les 2 centres était assez similaire.
Les patients étaient jeunes (40 ans d’âge médian), 59% de femmes, enfin on notait 89% de MAT sur rein natif.
Les variants génétiques du complément concernaient 49% des SHU atypiques contre seulement 3% des MAT secondaires parmi les personnes testées (35% des MAT secondaires avaient eu les tests génétiques). Au sein des MAT secondaires les variants pathogéniques étaient retrouvés uniquement chez les patients enceinte ou post transplantation d’organe solide.
Pendant la période de suivi de 1157 jours [IQR 360-2126], 148 patients sont morts (44%). Le pronostic rénal et vital des MAT secondaires en comparaison aux MAT primitives était plus grave.
Conclusion
Cette étude brosse donc un portrait des MAT secondaires prises en charge dans 2 centres experts Belge avec un faible biais de sélection.
Il existe 2 apports majeurs :
- Ces MAT secondaires avaient dans cette cohorte un pronostic rénal et vital bien plus sombre que les MAT primitives.
- Le taux de variants pathogènes concernant la voie alterne du complément semble faible dans ces MAT secondaires, ce qui confirme les données du CNR-MAT Français.
Enfin les auteurs sont force de proposition pour une nouvelle classification des MAT dans un contexte de nosologie complexe.
Les plus du papier
- La limitation importante du biais de sélection par le mode de screening.
- Largeur du champs des données : cliniques, génétiques, pronostiques…
- Ampleur des analyses complémentaires (cf supplemental material)
- Données importantes dans un domaine peu exploré.
- Étude en conditions « de la vraie vie ».
Les critiques
- Principalement le caractère rétrospectif et les limites qui s’en suivent.
- Absence de screening systématique pour les analyses du complément et absence de données sur les anticorps dirigés contre le complément bien que plus rares que les anomalies génétiques.