BJN#256_La maladie rénale à IgG4 : Quand y penser ?
Merci à Anna Duval, néphrologue à Strasbourg, pour ce résumé!
Cette BJN est en rapport avec cet article : Clinicopathologic Features of IgG4-Related Kidney Disease, publié par Buglioni, et al. dans Kidney international Reports, en mai 2024.
Contexte :
La maladie rénale à IgG4 (IgG4-RD) est une néphropathie rare survenant dans le cadre d’une maladie systémique auto-immune liée aux IgG4. Les atteintes rénales de l’IgG4-RD incluent une néphrite tubulo-interstitielle fibrosante (IgG4-TIN) avec une infiltration tissulaire de plasmocytes IgG4+ associée ou non à une glomérulonéphrite extra-membraneuse (IgG4-MGN), une fibrose rétropéritonéale ou encore une hydronéphrose.
Patients / Matériel et Méthodes :
– Étude rétrospective incluant 125 patients atteints de IgG4-RKD (cohorte de la Mayo Clinic, Minnesota, USA), inclus entre janvier 2001 et avril 2023
– Données histologiques issues de biopsies rénales (n=120) ou de pièces de néphrectomie (n=5) avec une relecture centralisée de l’ensemble des biopsies au moment du diagnostic.
– Corrélation clinico-pathologique au diagnostic
Résultats
– Phénotype clinique au diagnostic :
– Age moyen 63 ans (min-max 20-84), nette prédominance masculine (80%)
– Atteintes extra-rénales présentes chez 79% des cas, avec une atteinte pancréatique (40%), hépato-billiaire (18%), des glandes salivaires (17%), pulmonaire (16%), de fibrose rétropéritonéale (9%) et cutanée (3%).
– Anomalies radiographiques présentes chez 41/79 (52%) patients, dont 24/79 (30%) avec une/des masse(s) tissulaire(s) pseudotumorale(s), hypertrophie rénale bilatérale (13%), atteinte infiltrante tissulaire (6%), hydronéphrose (2%).
– Les motifs de biopsies rénales ou de néphrectomie étaient : une insuffisance rénale aigue ou chronique (78%), une protéinurie (17%) et/ou la présence d’une ou plusieurs masses tissulaires (15%)
Atteinte néphrologique :
– Sur le plan biologique :
- Créatinine sérique médiane 221µmol/L (min-max 62-1061).
- Protéinurie 46/76 (55.3%) des cas avec IgG4-TIN, constante et de rang néphrotique chez 83% des cas de IgG4-MGN (16% des cas)
- IgG et/ou IgG4 sériques augmentées chez 53/58 (91%) patients
- Consommation du C3 et/ou C4 au niveau plasmatique chez 43/77 (56%) patients. Celle-ci est plus fréquente chez les patients avec IgG4-TIN comparés aux patients avec IgG4-MGN (p=0.002) et associée au total d’IgG sériques (p= 0.05), à la sévérité de la fibrose interstitielle/atrophie tubulaire (p=0,02), mais pas au taux d’IgG4 sériques ni à la réponse thérapeutique.
- Éosinophilie chez 43% (17/40) patients
- Positivité des anticorps anti-nucléaires chez 30% des patients
– Sur le plan histologique :
- La néphrite tubulo-interstitielle (IgG4-TIN) est l’atteinte rénale la plus fréquente (94% des cas). Dans ce type d’atteinte, les dépôts immuns dans la membrane basale tubulaire sont présents dans 83% des cas. Les plasmocytes IgG4+ sont détectés au niveau tissulaire dans 95% des cas.
- Une glomérulonéphrite extra-membraneuse liée aux IgG4 (IgG4-MGN) est retrouvée chez 16% des patients (n=20), le plus souvent associée à une IgG4-TIN (65%).
- Identification de deux types d’atteinte rénale plus rares : néphrite interstitielle aigue sans signe de chronicité (absence de fibrose storiforme, pas /peu de dépôts immuns au niveau de la membrane basale tubulaire) (7%) et artérite non nécrosante (5%).
Données de traitement (sous-groupe de 71 patients)
– 59/69 patients (86%) ont été traités par corticoïdes associés ou non à du rituximab (n=18, 26%), du MMF (n=13, 19%), azathioprine (n=2, 3%) ou du cyclophosphamide (n=2, 3%).
– La réponse rénale (définie par une diminution de la créatininémie de 62µmol/L) a été obtenue chez 72% (41/57) des patients avec une insuffisance rénale traités par corticoïdes et/ou immunomodulateurs
– Absence de corrélation entre les paramètres histologiques et la réponse thérapeutique
Conclusion
– Il s’agit de la plus grande série publiée de patients porteurs d’une maladie à IgG4 avec atteinte rénale histologiquement prouvée
– Ce travail permet de mieux préciser le phénotype clinique, biologique, immunologique et histologique de cette néphropathie rare.
Les plus du papier
– Plus grande cohorte publiée de (n=125 patients !), comprenant des données cliniques et histologiques pour l’ensemble des patients : permet d’avoir une vision sur cette néphropathie rare !
– Qualité de l’analyse anatomopathologique (cohorte issue d’un centre de référence, relecture centralisée, description précise des critères anatomopathologiques diagnostiques employés, élimination rigoureuse des diagnostics différentiels en cas d’IgG4-MGN, analyse en microscopie électronique en cas d’IgG4-TIN).
– Fourni quelques données indicatives de la prévalence de l’IgG4-TIN : environ 1,3% des néphrites interstitielles (aigues ou chroniques) biopsiées (6/462).
– Émergence de formes clinico-pathologiques plus sévères : consommation du complément C3 et/ou C4) ; ou avec une meilleure réponse aux thérapeutiques (corticoïdes/immunosuppresseurs) : néphrite interstitielle aigue isolée
Les critiques
– Données manquantes sur le profil immunologique, notamment sur le dosage des IgG totales/IgG4 et du complément disponibles chez seulement 46,4% et 61,6% des patients.
– Caractère rétrospectif et faibles effectifs ne permettant pas d’apprécier la réponse thérapeutique des différentes formes clinico-pathologiques (atteinte interstitielle versus extra-membraneuse)
– Pas d’association retrouvée entre les données anatomopathologiques (intensité de la FIAT, dépôts immuns au niveau de la membrane basale tubulaire, atteinte vasculaire, intensité du marquage IgG4) et la réponse thérapeutique : en lien avec l’effectif limité ou le caractère inhomogène de l’atteinte fibrosante parenchymateuse rénale ?
– Peu de données à long terme (suivi médian limité à 13 mois)
– Pas de donnée sur la récidive après l’arrêt du traitement