BJN#261: prédire les rechutes de vascularite à ANCA
Aujourd’hui, Loïc Lièvre, néphrologue à Reims, nous propose un résumé de l’article suivant: Urinary CD4 + T Cells Predict Renal Relapse in ANCA-Associated Vasculitis ,
publié par Prskalo et al. dans le JASN en 2024.
Merci à lui!
Contexte
Environ 40% des patients en rémission d’une vascularite à ANCA présentent une rechute rénale au cours des 4-5 premières années de suivi. Il n’existe actuellement aucun biomarqueur performant isolé (variation du titre d’ANCA, de l’hématurie, de la créatininémie, de l’albuminurie…) pour prédire une rechute rénale de vascularite à ANCA. L’identification précoce d’une rechute rénale permettrait l’adaptation précoce des thérapeutiques immunosuppressives et ainsi de réduire le risque de progression vers l’IRC terminale.
Une inflammation rénale infra-clinique précède probablement la rechute clinique, l’objectif de cette étude était donc d’évaluer les performances diagnostiques du nombre de lymphocytes T CD4+ urinaires (TCD4+) comme biomarqueur prédictif d’une rechute rénale de vascularite à ANCA dans les 6 mois suivant la mesure.
Patients et méthodes
Étude multicentrique allemande prospective incluant des patients entre 2020 et 2021 en rémission d’une vascularite à ANCA.
A l’inclusion : analyse quantitative par cytométrie en flux des TCD4+ urinaires puis recherche d’une rechute de vascularite au cours d’une période de 6 mois de suivi.
La rechute était définie en aveugle des résultats de TCD4+ urinaires par la présence d’un élément d’activité rénale du score BVAS avec :
- un score d’activité BVAS ≥ 1
- ou la prescription d’un nouveau traitement d’induction
La rémission était définie par un score BVAS = 0 sans corticoïdes.
Résultats
102 patients ont été inclus, 73% avait des ANCA anti PR3 et 27% des anti MPO au diagnostic.
90 patients (88%) sont restés en rémission, 10 ont présenté une rechPrésentation1ute rénale (6 avec des ANCA anti PR3).
La mesure des lymphocytes T CD4+ urinaires était significativement plus élevée dans le groupe rechute par rapport au groupe rémission (figure B). La capacité discriminante du test était très bonne pour prédire une rechute rénale avec une aire sous la courbe de 0,88 (figure D) et était meilleure que le titre d’ANCA (AUC 0,79), le taux de protéinurie (AUC 0,74) le taux d’erythrocyturie (AUC 0,74).
Dans cette étude (tableau 2), un taux de TCD4+ > 490 /100 ml d’urine permettait de prédire une rechute rénale dans les 6 mois avec une sensibilité de 60% et une spécificité de 98%. A l’inverse un taux de TCD4+ < 50 / 100ml permettait de prédire l’absence de rechute avec une sensibilité de 58% et une spécificité de 100%.
Le nombre de cellules TCD4+ urinaire était faiblement corrélé au déclin du DFG ou à une augmentation de la protéinurie à 6 mois.
Conclusion
Cette étude suggère qu’un taux de lymphocyte TCD4+ urinaire > 490 /100ml pourrait prédire un risque de rechute rénale de vascularite à ANCA dans les 6 mois avec une excellente spécificité. A l’inverse un taux < 50 /100 ml aurait une excellente spécificité pour prédire l’absence de rechute dans les 6 mois. Ces résultats devront être confirmés dans d’autres cohortes.
Les critiques
- Faible nombre de patient ayant présenté une rechute dans la cohorte, pouvant 1) très largement surestimer les valeurs prédictives négative ou positive des tests 2) modifier les cut-off utilisés à l’avenir
- Définition de la rechute rénale ne prenant pas en compte l’histologie (et données non disponibles)
- Données transversales uniques : pas de données sur une potentielle variation à la hausse ou à la baisse des TCD4+ urinaires sur les mois précédents ou suivants au moment du diagnostique
- Zone d’ombre entre les 2 groupes avec large recoupement de valeur entre 50 et 490 cellules/100ml nécessitant des approches multimodales.
Perspectives
Il n’existe probablement pas de biomarqueur parfait pour prédire la rechute d’une vascularite à ANCA. La prédiction d’une rechute nécessite probablement une approche à plusieurs variables (variation du titre d’ANCA, de la protéinurie et de l’hématurie associée au nouveaux biomarqueurs urinaires tels que le taux de TCD4+ ou CD163 soluble urinaire..). De plus, une stratégie d’arrêt du traitement d’entretien basée sur des taux très faible de TCD4+ urinaires pourrait être évaluée.
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