BJN#263: Étude VALIANT : vers une nouvelle ère thérapeutique pour les patients C3G ?
Le CJN vous souhaite une belle année, en commençant par une belle BJN proposée par Anna Duval, de Strasbourg.
Le Dr Duval nous résume les résultats à 26 semaines de l’étude de phase 3 VALIANT, communication présentée au congrès de l’ASN Kidney Week 2024 le 26 octobre 2024
Contexte :
La glomérulopathie à dépôts de C3 (C3G) et la glomérulonéphrite membrano-proliferative à complexes immuns (IC-MPGN primitive) sont des glomérulonéphrites primitives rares (prévalence estimée 1-2/10^6 habitants) affectant notamment les enfants ou jeunes adultes.
L’activation de la voie alterne du complément joue un rôle central dans la physiopathologie de cette glomérulonéphrite, qui se caractérise sur le plan histologique par des dépôts de C3 prédominants au niveau glomérulaire. L’activation intra-rénale du complément participe à l’inflammation et aux dommages glomérulaires.
Il n’existe actuellement aucun traitement spécifique de la C3G. En 2024, on estime qu’environ 50% des patients progressent vers une insuffisance rénale terminale dans les 10 ans suivant le diagnostic. Plus de la moitié des transplantés rénaux pour cette indication présenteront une récidive de leur néphropathie initiale en post-transplantation.
La meilleure connaissance du rôle du complément dans la C3G et l’IC-MPGN offre de nouvelles possibilités thérapeutiques dans cette indication. Le pegcetacoplan est une petite molécule pegylée administrée par voie sous-cutanée se liant au C3, inhibant sont clivage et la cascade d’activation du complément.
Patients / Matériel et Méthodes :
- L’étude de phase 3 VALIANT (NCT05067127) est une étude randomisée internationale, contrôlée versus placebo, en double aveugle, pour évaluer l’efficacité et la sécurité du pegcetacoplan chez 124 patients de 12 ans et plus atteints de C3G ou IC-MPGN primaire, en plus d’un traitement néphroprotecteur (corticoïdes < 20mg/j et MMF permis).
- Principaux critères d’inclusions :
- Adultes ou adolescents 12-17 ans de plus de 30kg
- Avec un diagnostic de GC3 ou IC-MPGN, transplantés ou non
- DFGe > ou = 30mL/min/1.73m2 et UPCR > ou = 1g/g
- Signes d’activité de la glomérulopathie :
- Biopsie rénale avec dépôts de C3 intenses et <50% de glomérulosclérose de moins de 28 semaines avant l’inclusion, ou :
- Au moins un marqueur d’activité : C3 consommé, sC5b-9 élevé, sédiment urinaire actif et/ou présence d’un C3 nef il y a < 6 mois.
- Vaccination contre le pneumocoque, méningocoque (A, C, Y, W135 et B) obligatoire
- Critère d’évaluation principal: réduction de la protéinurie à 26 semaines de traitement
- Design de l’étude :
- Randomisation 1 :1 Pegcetacoplan 1080mg 2 fois par semaine en sous cutané versus placebo en double aveugle pendant 16 semaines. Réduction posologique pour les adolescents de 30-50kg.
- Puis administration en open label pegcetacoplan dans les deux groupes à partir de la semaine 26
Résultats principaux (à 26 semaines)
- 63 patients inclus dans le bras pegcetacoplan, 61 dans le groupe placebo
- Age moyen 28 (+/-17) ans dans le groupe traité, 23 (+/-14.3) dans le groupe contrôle
- DFGe moyen 78.5 (34.1) mL/min/1.73m2 et UPCR 3.1 (2.4) g/g et DFGe moyen 87.2 (37.2) mL/min/1.73m2 et UPCR 2.5 (2.0) g/g dans le bras traité et dans le bras placebo, respectivement
- 5 patients transplantés avec récurrence de la néphropathie initiale dans le bras traité et 4 dans le groupe contrôle
- Efficacité sur le critère d’évaluation principal : réduction relative de la protéinurie à la semaine 26 de 68,1 % (57,3% -76,2 %) (p<0,0001) dans le bras pegcetacoplan par rapport au placebo, avec une diminution observée dès la quatrième semaine de traitement et persistance à 6 mois de traitement
- Homogénéité des résultats dans les sous-groupes de patients (C3G versus IC-MPGN, adolescents versus adultes, et reins natifs versus greffons) avec une réduction relative de la protéinurie entre
- Efficacité sur les critères secondaires :
- Stabilisation de l’eGFR dans le bras traité (+6,3 mL/min/1,73 m2 (IC 95 % 0,5, 12,1 ; p = 0,03 à M6 comparé au groupe placebo)
- Sur le critère composite rénal stabilisation du DFGe et réduction de la protéinurie (réduction >50% par rapport à la base et <15mL/min/1.73m2 de déclin du DFGe)
- Les dépôts tissulaires de C3c (qui montre les dépôts de C3 tissulaires « récents ») ont été négativés chez 71 % (25/35) patients, suggérant une élimination des dépôts de C3 après traitement. Absence de réduction du score d’activité à 26 semaines (-1.0 point, -2.0 ;+0.8, p =0.28)
- Bon profil de sécurité du pegcetacoplan :
- 4 infections sévères, dont 3 dans le bras traité
- Pas de méningite, pas d’infection sévère à germe encapsulé.
Conclusion
- Le traitement par pegcetacoplan est associé à une efficacité sur l’évolution des marqueurs clés de la GC3 et de la IC-MPGN : diminution de la protéinurie, stabilisation du DFGe et négativation des dépôts tissulaires.
- Étude d’extension (VALE, NCT05809531) actuellement en cours.
Les points positifs :
– Preuve d’efficacité d’un inhibiteur de complément sur l’histoire naturelle de la GC3/IC-MPGN
– Large effectif (n=124) en regard avec la faible prévalence de la C3G et IC-MPGN
– Étude incluant des adolescents
– Évaluation de l’évolutivité de l’intensité des dépôts tissulaires et du score d’activité avant-après traitement dans un sous-groupe de patient : marqueur spécifique sur l’efficacité des mécanismes immunologiques impliqués dans la GC3/IC-MPGN.
Les points à soulever :
– On pourrait discuter la pertinence de mélanger les enfants / adultes, les GC3 / IC-MPGN et les patients transplantés et reins natifs dont les histoires naturelles et/ou mécanismes immuns pourraient être différents, bien que les résultats soient homogènes entre les groupes.
– Biopsie rénale récente à l’inclusion non obligatoire
Indication thérapeutique non guidée par les résultats de la biopsie initiale (signes d’activité versus chronicité)
– Négativation des dépôts tissulaires de C3 à confirmer par des techniques complémentaires, persistance de la négativation des dépôts à confirmer dans le temps / recrudescence à l’arrêt
– Pas de données sur l’évolution des biomarqueurs plasmatiques d’activation du complément dans les différents groupes.
– Pas de proposition d’outils de monitorage thérapeutique spécifique à la molécule