BJN#66 « Sertraline en pré-dialyse: Mauvais CASTing ? »
Effect of Sertraline on Depressive Symptoms in Patients with Chronic Kidney Disease without Dialysis Dependence The CAST Randomized Clinical Trial
Introduction
La prévalence de la dépression chez les insuffisants rénaux chroniques est quatre fois supérieure que dans population générale. Elle est associée chez les patients dialysés et non dialysés à une morbi-mortalité plus élevée (hospitalisations, évènements cardiovasculaires entre autres).
La plupart des études sur l’efficacité des antidépresseurs excluent cette population à haut risque d’où l’intérêt de développer des études dédiées.
Patients/matériels et méthodes
CAST Trial est une étude contrôlée, en double-aveugle, randomisée évaluant le traitement par Sertraline contre placebo sur une période de 12 semaines. La première inclusion a eu lieu en Mars 2010 et la dernière visite en novembre 2016 dans 3 centres médicaux américains.
Ont été inclus des patients insuffisants rénaux chroniques non dialysés stade 3,4 et 5 avec une symptomatologie dépressive dont l’intensité a été évaluée avec une échelle d’auto-évaluation à seize items QIDS-C16 déjà validée chez les insuffisants rénaux (scores entre 0 et 27). Les patients éligibles pour l’étude devait avoir un score ≥ 11.
L’Objectif primaire de l’étude était l’amélioration des symptômes dépressifs après 12 semaines de traitement par Sertraline versus placebo. Les objectifs secondaires étaient les suivants : évaluation de la réponse au traitement (baisse ≥50% du score), de la rémission (score ≤5), de l’amélioration de la qualité de vie à l’aide d’échelles spécifiques.
Résultats
201 patients ont été randomisés : 102 patients dans le groupe Sertraline et 99 dans le groupe placebo. Les deux groupes étaient comparables en termes de caractéristiques cliniques, comorbidités et contexte socio-économique.
Il n’a pas été retrouvé de différence statistiquement significative sur l’amélioration des scores QIDS-C16 entre la Sertraline et le placebo.
Il n’a pas non plus été observée de différence significative sur les objectifs secondaires.
On note plus d’effets indésirables gastro-intestinaux avec la Sertraline sans différence en termes d’évènements indésirables graves.
Conclusion
Après 12 semaines de traitement par de la Sertraline, il n’a pas démontré d’amélioration significative de la symptomatologie dépressive dans une population d’insuffisants rénaux chroniques non dialysés versus placebo. Ce travail remet en cause la place des IRS dans le traitement de la dépression des patients insuffisants rénaux chroniques.
D’autres travaux s’intéressant à d’autres classes thérapeutiques mais également aux traitements non pharmacologiques sont indispensables pour proposer des prises en charges plus adaptées à cette population à haut risque.
Les plus du papier
- L’effectif : 14658 patients ont rempli le questionnaire d’évaluation, 997 avec un score ≥11 puis 201 patients randomisés
- Outre le design de l’étude (randomisée, contrôlée, double aveugle versus placebo), l’étude CAST s’intéresse à une population exclue de la plupart des études alors qu’elle est à haut risque d’épisode dépressif.
- L’hypothèse que la dépression du patient insuffisant rénal chronique est une entité clinique à part pouvant expliquer la moindre efficacité des IRS comme cela a été démontré dans d’autres pathologies chroniques telles que l’insuffisance cardiaque, l’asthme
Les critiques
- L’exclusion des dialysés
- Le sex ratio avec 27% de femmes
- Un tiers d’insuffisants cardiaques chez qui il est déjà décrit que les IRS sont moins efficaces (modification du métabolisme de la monoamine oxydase)
- Pas de distinction dans l’intensité de l’épisode dépressif
- Pas d’information sur les traitements complémentaires de la dépression, le type de psychothérapie, l’intensité du suivi en dehors des visites protocolaires.
Merci à Aldjia Hocine, Néphrologue à Paris et membre du conseil scientifique du CJN, pour cette synthèse bibliographique. Vous aussi, n’hésitez pas à nous envoyer vos lectures !