BJN # 42 Quoi de neuf en transplantation rénale pour les patients infectés par le VIH?
Update on kidney transplantation in human immunodeficiency virus infected recipients
L’infection par le Virus de l’Immunodéficience Humaine (VIH) est un problème de santé mondial. Les récentes avancées en matière d’antirétroviraux ont modifié l’évolution de la maladie vers une forme chronique limitant la morbidité liée à la survenue d’infections opportunistes. La néphropathie associée au VIH (HIVAN) reste une cause majeure d’insuffisance rénale chronique terminale, à laquelle s’associent désormais hypertension artérielle, diabète, et toxicité des antirétroviraux. La transplantation rénale a longtemps été formellement contre-indiquée chez ces patients. Il est désormais possible de greffer ces patients dont l’évolution semble néanmoins marquée par davantage de rejet et dont l’immunosuppression n’est actuellement pas codifiée. Cette revue synthétise les connaissances actuelles de la transplantation rénale chez les patients infectés par le VIH.
Depuis l’introduction des antirétroviraux, certaines études retrouvent une survie des greffons et des patients comparables au non-VIH appariés, et d’autres une survie superposable à celle des transplantations chez des patients de plus de 65 ans non VIH. Ces résultats sont également observés dans les transplantations à partir de donneurs vivants. La co-infection par le VHC réduit cette survie dans l’ensemble des études, mais ces données pourraient rapidement changer grâce aux nouveaux traitements disponibles, qui permettent 90 à 95% de réponse virologique prolongée sans limites d’utilisation après greffe.
Parmi les complications, les observations ne mettent pas en évidence un sur-risque d’infections opportunistes malgré l’immunosuppression. La fréquence des rejets aigus avoisine 15% contre 8% chez les non-VIH sans impacter la survie des greffons à court terme. Les facteurs de risques principaux seraient l’utilisation de ciclosporine et un greffon de donneur décédé. L’interaction des anti-calcineurines avec les antirétroviraux et la minimisation de l’immunosuppression chez ces patients pourraient expliquer ces résultats. La récidive de HIVAN est rare en absence de réplication du virus.
Les protocoles de thérapie immunosuppressive manque d’uniformité. Les anti-IL2 récepteur monoclonaux semblent préférables en induction par rapport au sérum anti-lymphocytaire responsable de deux fois plus d’infection dans une étude multicentrique. Le traitement d’entretien reste discuté. En effet les inhibiteurs de mTor auraient une action de down-régulation du récepteur CCR5 diminuant la capacité d’infection du VIH, alors que la ciclosporine agirait en interférant avec le processus de réplication du VIH. Aucune étude ne compare les anti-calcineurines, la discussion doit donc porter sur les risques de rejet encourus sous ciclosporine face aux risques cardiovasculaires à long terme du tacrolimus. L’adjonction de mycophenolate mofetil pourrait potentialiser les effets des antirétroviraux et les glucocorticoïdes favoriseraient l’augmentation des populations lymphocytaires CD4+ et réduiraient la charge virale.
Il n’existe pas de consensus sur la stratégie antirétrovirale à adopter. Les inhibiteurs de l’intégrase (tels que le raltegravir ou le dolutegravir) peuvent être utilisés en association des inhibiteur nucléosidiques de la transcriptase inverse tel que l’abacavir et la lamivudine/emtricitabine. La surveillance de dose de ces derniers est recommandée. Le tenofovir est à éviter du fait de sa toxicité rénale alors que les antagonistes de CCR5 tel que le maraviroc pourrait avoir un effet bénéfique sur la réduction du risque de rejet. Une surveillance des taux d’immunosuppresseurs doit être réalisée notamment sous inhibiteurs des protéases, par leur effet inhibiteur du cytochrome P-450.
Grâce à l’amélioration des thérapeutiques antirétrovirales, la possibilité de transplantation rénale des patients insuffisants rénaux chroniques infectés par les VIH est démontrée. L’optimisation des protocoles d’immunosuppression reste à définir par des études de plus grande ampleur.
Merci à Alexandra Delion (Interne à Viencennes, Comité Scientifique du CJN) pour cette synthèse bibliographique. Vous aussi, n’hésitez pas à nous envoyer vos lectures !