BJN#123 – Dis, c’est vrai que l’alcool, c’est diurétique ?
The diuretic action of alcohol in man
Merci à Jean-Philippe Bertocchio, en mobilité à Houston, past-president du CJN, pour cette synthèse bibliographique. Vous aussi, n’hésitez pas à nous envoyer vos lectures !
Introduction
Qui n’a pas eu cette question par un externe, surtout les vendredis matins ou lors des soirées de fin de stage ? En tant que physiologiste, si je ne l’ai pas eu 100 fois, je ne l’ai jamais eue… La question vient sans doute de cette impression (fort désagréable) de « parce que quand je bois une bière [NDLR prendre une intonation de conséquence], j’ai toujours l’impression de pisser plus que ce que j’ai bu, et puis après j’ai l’impression d’être déshydraté(e) ». On associe souvent cette question à la bière mais qui n’est probablement pas le meilleur exemple : sa concentration en alcool est si faible qu’il faut en boire de grands volumes avant d’avoir un effet sur la diurèse. Cela dit, cette expérience, on l’a tous (ou presque) faite sur soi-même avec d’autres alcools (plus « forts »), bien qu’on n’ait pas toujours été tout à fait en condition de réaliser un bilan entrées/sorties optimal… On a tous (ou presque) eu aussi cette impression de « déshydratation » (qu’on imagine intracellulaire) et qu’on associe souvent aux céphalées post-imbibition… Pour répondre à cette épineuse question, il faut remonter aux années 40 et se rendre en Angleterre.
Patients/matériels et méthodes
5 sujets sains ont été étudiés, à qui ont été administrées différentes concentrations d’alcool (dérivé du cidre) oralement mais dont le volume de dilution était le même (afin de prévenir un effet volume, comme dans la bière). Chez un des sujets, l’effet d’une injection d’extraits hypophysaires avant l’imbibition d’alcool a été étudié.
Résultats
Le débit urinaire après ingestion d’alcool est proportionnel à la quantité (pas au volume) d’alcool ingéré. Cet effet est complètement prévenu par l’injection d’extraits hypophysaires.
Conclusion
Il existe une diurèse induite par l’alcool qui n’est probablement pas liée à un effet sur l’épithélium rénal (plutôt un effet inhibiteur sur l’hypophyse).
Les plus du papier
- Effet en « vie réelle » (ingestion orale d’alcool même si le cidre peut se discuter…)
- Prévention du phénotype par l’extrait hypophysaire
Les critiques
- Pas de mesure directe de l’ADH, ni des osmolalités (notamment urinaire)
- Pas d’explication mécanistique
Cela dit, d’autres études par la suite (dans les années 50) ont bien montré (avec du whisky !) qu’il y avait un effet aquarétique (augmentation de la clairance de l’eau libre) et anti-natriurétique (Rubini et al. JCI 1955) qui était probablement liée à une inhibition de la sécrétion d’ADH et une redistribution des compartiments liquidiens dans l’organisme.
On peut donc répondre à nos étudiants qu’il ne s’agit pas d’un diurétique (au sens strict du terme, le diurétique – salidiurétique – augmente l’excrétion urinaire de chlorure de sodium) mais d’un inhibiteur de la sécrétion hypophysaire. Reste à savoir si le mécanisme est hypophysaire pur ou hypothalamique…