BJN#139 – Halte aux pesticides, pour les reins aussi !
Chronic interstitial nephritis in agricultural communities: a worldwide epidemic with social, occupational and environmental determinants
Merci à Anne-Hélène Quérard, Néphrologue à La Roche sur Yon et membre du Comité Scientifique du CJN, pour cette synthèse bibliographique. Vous aussi, n’hésitez pas à nous envoyer vos lectures !
Introduction
Revue de la littérature par un groupe d’experts concernés par les Néphropathies Chroniques Interstitielles dans les Communautés Agricoles (CINAC), centrée sur 2 zones géographiques d’expression majeure de ces pathologies, le Sri Lanka et l’Amérique Centrale.
Patients/matériels et méthodes
Définition
Les CINAC sont des maladies rénales chroniques (MRC) qui atteignent essentiellement des hommes jeunes, dont l’étiologie n’est pas liée aux causes habituelles de MRC. Les sujets atteints vivent et travaillent dans des zones de communautés agricoles avec des déterminants socio-économiques tels que le climat chaud tropical, la pauvreté et l’exposition à des toxiques issus de l’agriculture par leur travail ou l’ingestion d’eau ou d’aliments contaminés.
Profil clinique et histologique :
Néphropathie tubulo-interstitielle « classique » : progression lente, sédiment urinaire peu perturbé, protéinurie souvent tubulaire. Autres causes de MRC exclues (vasculaires, néoplasiques). Parfois anomalies neurologiques associés (surdité, Babinski positif) à l’instar des intoxications aux métaux lourds.
A la biopsie, fibrose interstitielle et atrophie tubulaire, avec ou sans infiltration inflammatoire. En ME, dans le tubule proximal, on trouve des structures myéloïdes organisées, de différentes tailles, probablement en lien avec un défaut de transport et de dégradation par les lysosomes.
Résultats
Etiologie
2 hypothèses principales : exposition répétée et prolongée à des toxines au travail, dans l’eau de boisson et dans l’environnement des communautés agricoles d’une part, et stress lié à la chaleur et la déshydratation d’autre part.
L’épidémie est datée au début des années 90‘s, période à laquelle on ne note aucune modification du climat, des conditions de travail de moins en moins difficiles physiquement en lien avec la mécanisation, donc moins de déshydratation, mais une augmentation de l’utilisation des pesticides.
La déshydratation n’explique pas la répartition géographique en mosaïque des CINAC : pas de CINAC dans le nord du Sri Lankaou à Cuba, alors que les conditions de chaleur sont respectivement plus dures ou identiques, mais où l’utilisation des pesticides est peu répandue (raisons politiques).
Les femmes développent des CINAC également, alors qu’elles ne sont pas exposées comme les hommes au « heat stress ».
Les travailleurs du bâtiment dans les villes, non exposés aux pesticides, mais plus exposés encore au « heat stress » ne développent pas de CINAC.
On trouve des anomalies du sédiment urinaire chez des enfants et des adolescents dans les zones endémiques de CINAC, suggérant l’existence de lésions rénales très précoces, avant l’exposition eu « heat stress » ou aux pesticides de façon directe, mais existante via l’environnement.
Pas de CINAC ou de MRC semblables dans les populations minières d’Europe, qui ont un suivi médical régulier, alors que l’exposition à la chaleur y est tout aussi importante.
Les manifestations extra-rénales (surdité, myoclonies, Babinski) ne peuvent pas être reliées à la déshydratation, mais à des toxiques oui. La déshydratation peut jouer un rôle aggravant en concentrant les toxiques dans l’organisme, notamment dans les tubules.
Conclusion
Phénomène multifactoriel : environnement géographique, toxique et social (touches des populations déjà à risque rénal). Les pesticides environnementaux affectent les hommes, les femmes et les enfants via l’eau contaminée, la nourriture et l’inhalation. Pour les hommes, il y a en plus l’exposition directe sur la peau, d’où une maladie plus fréquente et plus grave chez eux. La chaleur et la déshydratation viennent aggraver l’atteinte rénale.
Les CINAC sont un ensemble de maladies rénales tubulo-interstitielles dont l’étude est urgente afin d’organiser rapidement des politiques de santé publiques efficaces dans des pays en nécessité.
Les plus du papier
Revue de la littérature : tour exhaustif du sujet. Argumentation simple et efficace. Sujet peu développé dans les congrès « occidentaux ».
Les critiques
Si vraiment on doit en trouver une, c’est que le manque de recherche de contre-argument.