BJN#58 Cachez ce chlore que je ne saurais voir
Clinical and Genetic Spectrum of Bartter Syndrome Type 3
Introduction
Puisque c’est enseigné comme tel dans nos livres, les néphrologues (nous quoi) pensent au syndrome de Bartter lorsqu’il y a une hypokaliémie, surtout quand ils ne trouvent pas d’autre cause. Du coup, des générations entières de néphrologues pensent qu’il faut une anomalie d’un transporteur rénal de potassium pour générer cette hypokaliémie. En fait, pas du tout ! Bartter et Gitelman, en gros, c’est un peu la même maladie : tout part d’une perte rénale de sel (de chlorure de sodium, NaCl). Dans le Bartter, la perte vient de l’anse de Henle, dans le Gitelman, ça vient du tube contourné distal (simple, non ?). Bon ben, on a tous appris (grâce à nos fameux bouquins) que le Bartter c’est méchant (néphrocalcinose, dialyse, tout ça…) alors que le Gitelman c’est tout gentil (hypomagnésémie, petite hypokaliémie, quoi). En plus, le Bartter, c’est chez l’enfant, alors que le Gitelman, c’est plutôt chez l’adulte.
Sauf que le syndrome de Bartter a été divisé en 3 « sous-types » : l’anté/néo-natal (qui se révèle à la naissance ou in utero), le classique (plutôt chez l’enfant ou le jeune adolescent) et…celui qui ressemble farouchement à un Gitelman. C’est précisément à ce syndrome de Bartter-là que s’est intéressée cette équipe française. Il s’agit du syndrome de Bartter 3 qui est dû à une anomalie du gène codant pour CLCNKB (un canal chlore basolatéral de l’anse de Henle).
Patients/matériels et méthodes
Il s’agit d’une des plus grosses séries mondiales (115/111 patients/familles), recueillie entre 2001 et 2014.
Génotypage de tous les cas avec perte rénale de NaCl. Analyse bioinformatique et étude fonctionnelle des mutations non décrites par expression hétérologue (oocytes de xénopes).
Corrélation génotype/phénotype. Recueil rétrospectif des données cliniques.
Résultats
30 patients (26%) ont été diagnostiqués à l’âge adulte (en médiane 28 ans, le plus âgé à 42 ans) et présentaient une forme ressemblant nettement à un syndrome de Gitelman. Leur perte rénale de NaCl est moins prononcée et ils ont moins de complications rénales que ceux qui débutent la maladie à un âge plus jeune. Enfin, ils ont le plus souvent des mutations faux-sens que les autres (qui ont plutôt des délétions, des décalages du cadre de lecture et/ou des troncatures).
La perte rénale de chlore est bien plus marquée dans le syndrome de Bartter 3 (mutation du gène codant pour CLCNKB) que dans les 1 (NKCC2) et les 2 (ROMK).
Discussion
Il est très probable, que compte tenu que CLCNKB est aussi exprimé dans d’autres segments du néphron (comme le tube contourné distal), ces formes « peu sévères » reflètent plutôt d’une atteinte de ce segment que de la branche large de l’anse de Henle.
Conclusion
Le syndrome de Bartter 3 peut se diagnostiquer à l’âge adulte lorsqu’il y a une perte rénale de chlorure de sodium. Il peut se présenter dans un 1 cas/4 sous la forme d’un syndrome de Gitelman.
Il faut regarder le chlore (dans le sang et l’urine) quand on est néphrologue !
Les plus du papier
Une très grande cohorte par une équipe experte.
Corrélation génotype/phénotype.
Les critiques
Rétrospective, manque d’analyse des apparentés du premier degré le plus souvent.
Grande variabilité dans le suivi et manque de données initiales.
Merci à Jean-Philippe Bertocchio (Néphrologue à Paris, Président du CJN) pour cette synthèse bibliographique. Vous aussi, n’hésitez pas à nous envoyer vos lectures !