BJN#73 Insuffisance rénale chronique et haut risque cardiovasculaire : le saignement est-il une fatalité ?
Chronic kidney disease and bleeding risk in patients at high cardiovascular risk : a cohort study
Introduction
Les patients avec insuffisance rénale chronique présentent à la fois un plus grand risque de saigner et de thromboser. Le risque de saignement est majoré par l’utilisation des anticoagulants et antiagrégants, par les interventions multiples et par des plaquettes dysfonctionnelles. Les choix thérapeutiques dans ce contexte sont difficiles. Ce travail a voulu relier le risque de saigner à la fonction rénale et à l’albuminurie des patients.
Patients/matériels et méthodes
Il s’agissait d’une cohorte prospective aux Pays Bas, de 10347 patients, étudiée de 1996 à 2015. Etaient inclus les patients avec les facteurs de risque classiques (hypertension artérielle, diabète de type 2, dyslipidémie) ou avec une maladie artérielle (coronaropathie, accident vasculaire cérébral, artériopathie périphérique ou énvrisme de l’aorte), avec une insuffisance rénale (DFG<60ml/mn/1.73m2) ou une albuminurie (rapport alb/creat>3mg/mmol). Le critère principal était la survenue d’un événement hémorragique fatal ou non, ayant entrainé au moins une hospitalisation.
Résultats
Au sein des 10347 patients, 2443 (24%) ont été inclus. Il y a eu 350 patients qui ont présenté un événement hémorragique sur une période médiane de suivi de 7,2 ans. Le hazard ratio du risque de saignement est de 2,3 si le patient présente une insuffisance rénale chronique, et croît avec le degré d’insuffisance rénale chronique. Les patients avec albuminurie >30mg/mmol ont un HR est de 2,7. Le maximum de risque est atteint quand le DFG est <45ml/mn/1.73m2 et l’albuminurie >30mg/mmol (HR 3,5). Les résultats sont donnés avec ajustement sur les autres facteurs de risque (prise d’antiagrégants, coronaropathie, etc).
Conclusion
Le risque de saignement augmente avec l’insuffisance rénale, mais l’albuminurie semble être un marqueur de ce risque encore plus fort. L’albuminurie traduit le dommage endothélial, et donc la sévérité de la pathologie, ce dont le clinicien doit être averti, même pour des stades précoces d’insuffisance rénale.
Les plus du papier
L’effectif est correct avec un temps de suivi important.
Les critiques
Absence d’utilisation des scores habituels (CHADS VASC, HAS-BLED, etc).
L’albuminurie est quantifiée sur un spot urinaire à un seul temps.
Le DFG est quantifié à un seul temps.
Merci à Clotilde Muller, Néphrologue à Strasbourg et membre du Conseil Scientifique du CJN, pour cette synthèse bibliographique. Vous aussi, n’hésitez pas à nous envoyer vos lectures !