BJN#87 – Une Fake News qui tombe à l’eau
Effect of Coaching to IncreaseWater Intake on Kidney Function Decline in Adults With Chronic Kidney Disease – The CKD WIT Randomized Clinical Trial
Merci à Louis De Laforcade, Néphrologue à Bourgoin-Jallieu et vice-président du CJN, pour cette synthèse bibliographique. Vous aussi, n’hésitez pas à nous envoyer vos lectures !
Introduction
L’apport hydrique optimal du patient insuffisant rénal chronique reste un sujet largement débattu (comme en témoignent les discussions dans le blog de Perruche en Automne). Il n’existe pas d’étude randomisée permettant d’évaluer l’intérêt d’une hydratation orale abondante sur la fonction rénale, et cet essai vient essayer de trancher cette question.
Patients/matériels et méthodes :
- Essai randomisé contrôlé:
- Groupe contrôle : hydratation habituelle guidée par la soif (cibles : diurèse inférieure à 1.5 L, osmolalité urinaire supérieure à 500 mosm/kg)
- Groupe hydratation : coaching pour augmenter les apports hydriques de 1L à 1.5L par jour.
- Principaux critères d’inclusion : maladie rénale chronique stade III, avec albuminurie supérieure à 25mg/g créatinurie (18 mg/g pour les hommes). Exclusion des patients ayant un passé lithiasique, une polydipsie ou une polyurie, un traitement par lithium ou diurétique, une restriction hydrique.
- Critère de jugement principal : évolution du DFG (CKD EPI) à 1 an
- Critères secondaires : évolution à un an
- de la copeptine plasmatique
- de la clairance urinaire de la créatinine
- de l’albuminurie des 24h
- de la « qualité de la santé » rapportée par le patient
- 630 patients de 9 centres canadiens inclus (nombre de sujets nécessaires : 700)
- Age moyen 65 ans, 63% d’hommes
- Majoritairement en surpoids voire obèses (BMI moyen : 29.9kg/m²)
- Maladie rénale initiale : néphropathie vasculaire (39%) ou diabète (35,6%)
- DFG de base à 43 mL/min/1.73m² (CKD EPI)
- Apport hydrique de base 2L/24h, diurèse de base 1.9L/24h
- Osmolalité urinaire de base environ 450 mmol/kg
Résultats :
- Augmentation de la diurèse de 0.6L/24h et de l’apport hydrique de 0.7L/24h dans le groupe hydratation, stabilité dans le groupe contrôle.
- Pas de différence dans l’évolution du DFG dans les 2 groupes : -2.2 mL/min/1.73m² dans le groupe hydratation, -1.9 mL/min/1.73m² dans le groupe contrôle.
- Pas de différence sur l’albuminurie des 24h, la « qualité de santé ressentie » dans les 2 groupes
- Diminution significative de la copeptine plasmatique dans le groupe hydratation, et augmentation de la clairance urinaire de la créatinine sur le recueil des 24h.
Conclusion
Selon cet essai, il n’y a pas d’intérêt à une hyperhydratation orale des patients IRC stade III
Les plus du papier
- Démonte une contre-vérité pourtant largement répandue, et devrait nous interroger sur nos pratiques
- Pas de biais méthodologique majeur
- Résultats transposables en pratique courante
Les critiques
- Le nombre de sujet nécessaire n’est pas atteint (de peu) : plus d’inclusions aurait-il permis des résultats différents ?
- Un an de suivi, à l’échelle d’une MRC stade III, c’est peu…
Et en bonus : l’analyse détaillée de l’article par Perruche en Automne, et un peu de biblio sur le sujet